Critique : Clara et moi

Audrey Zeppegno | 1 février 2005
Audrey Zeppegno | 1 février 2005

Un homme et une femme. Pour peu que l'on tende une oreille romantique à cette histoire d'amour entre deux trentenaires idéalistes, l'on entendrait le chabadabada cinéphile de circonstance. Aussi atemporelle que bien ancrée dans son temps, cette idylle qui se joue entre un acteur en quête de révélation (Julien Boisselier) et une hôtesse férue de littérature (Julie Gayet), annonce la couleur de son originalité dès leur rencontre. Une toute première fois aussi incongrue que banale, plantée dans le décorum désespérément anodin -pour ne pas dire déprimant- d'une rame de métro où, le temps d'un bref trajet citadin Antoine branche la mystérieuse passagère qui lui fait face de la façon la plus délicieuse qui soit. Pas un mot ne s'y échange verbalement, chacun s'envisage puis se dévisage, et d'oillades lancées à la dérobée en regards de plus en plus soutenus, l'idée d'une approche strictement silencieuse vient au comédien. On jubile devant cette tentative de séduction par correspondance qui se noue via questionnaires à réponses multiples interposés. Le courant passe : d'une pierre deux coups, la timidité feinte par le dragueur interpelle la fille et conquit le spectateur.


Le ton est donné : dès lors, cette histoire déjà moult fois revue et corrigée d'une « love story » ébranlée par la maladie de l'une et la fuite de l'autre, ne cessera de flirter entre un réalisme brut et une folie douce, de sorte à ce que leur amalgame provoque une réaction presque magique. Mais l'alchimie ne s'explique pas. Pas plus que la découverte ou l'abandon de l'âme sour d'ailleurs. Clara et Moi échappe au formatage niaiseux que la vie de couple inspire depuis des lustres aux cinéastes. Pas de happy-end émergeant de nulle part comme le lapin blanc sorti du chapeau du prestidigitateur, rien ici n'est calibré. L'épure recherchée de la trame narrative, que contrebalance une image léchée, peut à tout instant ouvrir une brèche à un grain de fantaisie, comme lors de ce premier rendez-vous qui échappe aux mièvreries de l'émoi naissant en glissant sur les airs mélodiques composés par Benjamin Biolay vers le registre de la comédie musicale. Pour peu que notre palpitant ait déjà battu au rythme de ces ressentis-là, cette introspection amoureuse fera vibrer une corde sensible familière. Les lieux, les activités, les situations vécues par Clara et Lui rallumeront à coup sûr la flamme de souvenirs enfouis.


Tout le talent d'Arnaud Viard, dont c'est le premier film, consiste à nous donner du baume au coeur sans nous tendre un miroir déformant, à montrer le quotidien passionnel sous un jour inattendu en mettant en scène, face à une Julie Gayet désarmante, un anti-héros romantique qu'on finit par aimer pour ses failles et ses imperfections, ce qui donne alors à cette foule sentimentale qui erre dans les rues toutes les raisons de croire en des lendemains qui chantent.

Résumé

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(0.0)

Votre note ?

commentaires
Aucun commentaire.
votre commentaire