Critique : Just a kiss

Erwan Desbois | 24 janvier 2005
Erwan Desbois | 24 janvier 2005

Indéniablement, Just a kiss marque une rupture dans l'œuvre de Ken Loach. Dès les premiers plans, le contexte de l'histoire tranche avec les habitudes du réalisateur : les deux personnages principaux sont jeunes et issus de la classe moyenne, plus aisée que le milieu ouvrier qui sert d'habitude de terreau aux films de Ken Loach. Le changement de ton est encore plus radical, puisque le réalisateur a choisi de traiter de manière résolument optimiste et chaleureuse cette histoire d'amour interethnique entre Roisin, l'Irlandaise catholique, et Casim, le fils d'immigrés pakistanais musulmans. À l'image du soleil qui brille sur Glasgow du début à la fin du film, la première partie du récit déborde de chaleur et de joie de vivre, et nous fait découvrir un Ken Loach romantique, tendre, et même sensuel lors des scènes d'amour entre Roisin et Casim.

Si Ken Loach nous surprend en filmant une histoire d'amour, Just a kiss est tout de même bien plus qu'un ersatz de Coup de foudre à Bollywood ou de La vérité si je mens ! Les problèmes sociaux de ses œuvres précédentes sont absents, mais ils se voient remplacés par des clivages religieux tout aussi injustes et contraignants. Et si Loach s'est toujours placé du côté des petites gens dans leur lutte contre les injustices sociales, il a ici l'intelligence de ne choisir aucun des deux camps et de les renvoyer dos à dos, en présentant les valeurs de chacune des religions sous leurs jours positif et négatif. L'importance de la famille et de la communauté chez les musulmans comme chez les catholiques est ainsi à double tranchant, puisqu'elle peut prendre l'apparence d'un cocon rassurant ou d'une prison dorée, dont la doctrine pousse à rejeter violemment quiconque s'écarte de la norme.

Ce que Ken Loach pointe du doigt, ce sont les barrières entre ces deux communautés, qui sont tout aussi infranchissables que l'on vive à des milliers de kilomètres ou à deux pâtés l'un de l'autre. Mais il ne porte là un jugement que sur les comportements, jamais sur les individus. Il n'y a ni bons ni méchants dans Just a kiss, seulement des hommes et des femmes qui tentent de concilier leurs aspirations personnelles et les attentes de la société. L'humanisme de Loach et de son scénariste, Paul Laverty, leur talent pour créer des personnages et des situations qui nous touchent et nous font réagir font une nouvelle fois mouche pour leur seconde collaboration après Sweet sixteen. En réussissant ainsi à nous impliquer complètement, ils mettent en scène une histoire aussi simple que forte et belle dont la conclusion ne pourra qu'émouvoir jusqu'aux plus endurcis.

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