Critique : The Hole

Erwan Desbois | 21 janvier 2005
Erwan Desbois | 21 janvier 2005

Tsai Ming-liang, le réalisateur de The Hole et de Et là-bas, quelle heure est-il ?, peut être présenté comme l'anti-Tony Scott. Son style est en effet composé de plans fixes très longs, au sein desquels l'action, la musique et même les dialogues sont des denrées rares. Il serait toutefois injuste de considérer Tsai Ming-liang comme un poseur : cette mise en scène très maniérée est l'expression de son désenchantement vis-à-vis de la société moderne, de plus en plus morne, et où les gens ne vivent plus ensemble mais les uns à côté des autres. Pour stigmatiser cette évolution de nos modes de vie, Tsai Ming-liang a délibérément placé le scénario de The Hole dans le cadre de la fable, et en assume l'artificialité. La menace qui plane sur les personnages, exposée par une voix-off au début du film (quelques jours avant l'an 2000, un virus mystérieux décime la population des quartiers pauvres de Taïwan), est traitée de façon plus allégorique que réaliste : le virus n'est qu'un prétexte, et le vrai sujet de The Hole est bel et bien le drame de vivre et de mourir seul.

Face à ce destin contre lequel les deux personnages principaux ne luttent qu'à moitié, le bonheur et la vie sont insufflés dans le film de manière plus artificielle encore, comme si plus rien de bon ne pouvait se produire naturellement. Ainsi, à plusieurs reprises, des scènes de comédie musicale tirées de films hong-kongais des années cinquante interrompent-elles le récit sans prévenir ; interprétées par des comédiens portant des costumes d'époque, mais prenant place dans les décors du reste du film, ces scènes éphémères injectent du passé dans le présent, du fantasme dans la réalité, faisant oublier la morosité de celle-ci. De même, le principe du trou dans le plancher comme dernier recours pour faire communiquer les deux voisins et les mener de l'indifférence à l'amour offre de savoureux et inattendus moments de sensualité, d'humour burlesque, d'attendrissement, en bref des moments de vie. Mais la romance qui naît entre « la voisine du dessous » et « le voisin du dessus » (tels qu'ils sont nommés dans le générique, comme on dit « la princesse et le prince charmant »), aussi belle et bien menée soit-elle, reste un conte ; ce que Tsai Ming-liang nous rappelle par son choix de finir son histoire sur une dernière chanson, avant de conclure par un carton lapidaire qui sonne comme un brutal retour à la réalité.

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