Total Recall : critique martienne

Julien Welter | 12 janvier 2018 - MAJ : 27/09/2023 11:01
Julien Welter | 12 janvier 2018 - MAJ : 27/09/2023 11:01

De même que pour le blockbuster lynchien maudit, Dune, la vision de Total Recall sera toujours accompagnée d'un regret de fan : celui de ne pas savoir ce qu'aurait donné les aventures de Douglas Quaid sous la direction de David Cronenberg. Un temps attaché au projet, le réalisateur canadien promettait de morbides explorations spatiales du moi, du surmoi et du ça, là où le Hollandais Paul Verhoeven imposa une brutale descente armée dans le conscient et l'inconscient.

VERHOEVEN, OU L'IRONIE

Venant immédiatement après Robocop dans la filmographie du réalisateur, cette adaptation d'une nouvelle de Philip K. Dick mêle un paradoxe cher à l'écrivain (« je rêve ce que je suis et je suis ce que je rêve ») à une ironie peut-être européenne mais sûrement Verhoevienne : le bon est méchant mais le méchant est bon. Loin d'être sans rapport avec l'univers du hollandais, cet imbroglio lui permet en fait de miner la vision de l'héroïsme américain, entreprise qu'il avait commencée dès son arrivée aux Etats-Unis.

 

Photo Arnold SchwarzeneggerArnold Schwarzenegger dans les airs

 

Au premier abord, le personnage campé par Arnold Schwarzenegger se distingue par une quête de soi, légitime à la vue des circonstances. Mais comme le montre, d'abord les informations télévisées, ensuite le déroulement de l'histoire, la prospection interne du héros se déroule dans un contexte social plus large, dans lequel elle devient un signe évident d'égoïsme motivé par son moi intérieur, c'est-à-dire sa méchanceté. Le trajet du héros n'est motivé que par son envie personnelle, sûrement la plus basique puisqu'il part de la volonté triviale de connaître une autre femme. Rien de vraiment altruiste, comme le voudrait un comportement exemplairement américain.

 

Photo Rachel Ticotin, Arnold SchwarzeneggerBienvenue sur Mars

 

AMERICAN HERO

À cela s'ajoute un deuxième fondement sapé par Paul Verhoeven : la capacité héroïque même de son personnage. Dans le trajet qu'il effectue, Quaid prouve plutôt son impuissance à être en avance sur les autres, et encore plus sur lui-même. Le personnage d'Arnold Schwarzenegger ne fait que répondre constamment à la violence sans vraiment pouvoir l'éviter ou la devancer.

Pour appuyer le même discours, le réalisateur développe le rôle pervers que joue la télévision sur l'héroïsme. Plus que le diffuseur d'une image d'Épinal du bon samaritain, l'écran cathodique devient un objet influent dont Arnold Schwarzenegger écoute avec attention les directives. D'abord en suivant la publicité pour Rekall dans le métro, ensuite en écoutant « l'ami » dans le visiophone, puis lui-même dans l'enregistrement de la valise, et enfin en répondant par la force quand se révèle à lui la véritable manipulation. Ainsi en adéquation ou en réaction de ce que lui dit l'écran plat, il agit et prouve qu'il n'est pas pleinement un héros, mais tout juste un forcené qui se débat dans un carcan prédéfini qu'il n'arrive jamais à briser.

 

Affiche ressortie

Résumé

Avec Total recall, le discours ironique de Paul Verhoeven prend tout son poids, et la virulence de celui-ci envers les institutions américaines également. Égoïsme, impuissance et manipulation du flux télévisuel seront les mythologies américaines que le réalisateur préfèrera détruire par la suite, que ce soit dans Basic instinct (pour l'impuissance et l'égoïsme du héros) Starship Troopers (pour la manipulation des médias et l'égoïsme) ou Hollow man (pour l'impuissance et l'égoïsme).

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(4.5)

Votre note ?

commentaires
Miami81
14/01/2019 à 12:56

Autant il impressionne par sa démesure (décors, costumes), sa générosité en scènes d'action c'est du on stop) et son intelligence narrative (quelle toile d'araignée ce scénario), autant c'est vrai qu'il vieillit vraiment très mal.

Mama Fratelli
14/01/2019 à 10:16

Total Recall.... Un poids lourd de la SF des 90's que mes copains de quartier et moi avions plaisir à voir et revoir.
Je l'ai revu il n'y a pas longtemps et la fin me laisse toujours sur ma faim - ho ho ho qu'elle est facile !
Alors à la fin : rêve ou réalité ?

sylvinception
14/01/2019 à 09:28

Ça a horriblement mal vieillit.
Visuellement c'est un peu plus hideux à chaque vision, et les sfx ne tiennent absolument plus la route.
Je préfère de loin me remater Starship Troopers.

STEVE
13/01/2019 à 13:44

Avant on avait droit à des blockbusters intelligents!

Et contrairement à Dwayne Johnson qui ne joue que dans des nanars, Arnold a joué dans des classiques (Terminator, Predator, Total Recall...).

Tonton Mario
13/01/2019 à 11:51

Merci pour ce texte, court mais qui ouvre de nouvelles perspectives sur ce film. La mention au pouvoir des écrans sur le personnage est particulièrement éclairante.

Richter
13/01/2019 à 10:31

Je l'ai revu il n'y a pas si longtemps et je l'apprécie toujours autant.

Laz
13/01/2019 à 01:11

On se verra à la fête RIchter!!! Et vas y que je t’arrache les deux bras.

Ghob_
13/01/2019 à 00:01

Classique instantané et revisionnable à l'envi...

Ken
12/01/2019 à 22:38

Rien a dire tout simplement super bon film

F4RR4LL
12/01/2019 à 22:05

Le hollandais violent reste au sommet de son art trente ans plus tard. Le film ne prends pas une ride face aux blocks récents de SF. A quand un retour de celui-ci à Hollywood ?

Il manque quand même une étoile pour ce chef d’œuvre, quel est le défaut majeur de ce film ? Les seconds rôles, dont ronny cox, sont excellents.

Plus
votre commentaire