Critique : La Bête tue de sang-froid / Le dernier train de la nuit

Jean-Baptiste Herment | 20 décembre 2004
Jean-Baptiste Herment | 20 décembre 2004

Lorsque, en 1972, Wes Craven réalise La Dernière Maison sur la gauche (sa réinterprétation de La Source, de Bergman), il ne peut présager le succès que va rencontrer son film. Dans le sillage de l'engouement rencontré par le film de Wes Craven, on a alors vu pulluler sur les écrans quantité de rip-offs de qualité très variable. Le film de Lado, en dépit de son relatif anonymat, en est l'un des meilleurs, si ce n'est le meilleur. Réalisateur d'un des fleurons du Giallo (Short night of the glass dolls / Je suis vivant !), Lado ne pouvait livrer un film bassement commercial comme tant d'autres. Là où la plupart des réalisateurs repoussent les limites de l'inacceptable (Last house on the edge of park / La Maison au fond du parc) en vue de surpasser leur modèle en termes de complaisance et de sadisme, Lado choisit de réfléchir. La violence est utilisée comme un moyen, et non comme une fin. À l'instar de Craven, Lado cherche à explorer les tréfonds de la nature humaine par le biais de personnages psychologiquement atteints. Des personnages dont le vernis social masque les plus vils instincts de l'homme.


Ayant été pensé par son producteur, Roberto Infascelli, comme une copie du film de Wes Craven, Night train murders reprend donc les trois actes du film de Craven. Mais son duo de scénaristes réussit astucieusement à détourner les péripéties de son modèle pour broder des situations au bout du compte différentes. La manière dont le scénario réunit parents et bourreaux dans le dernier tiers est ainsi bien plus originale et crédible que celle imaginée par Craven pour La Dernière Maison sur la gauche. Cette rigueur d'écriture permet au film d'être autre chose qu'une vulgaire copie. Night train murders a autant à dire qu'à montrer. Ses images ont beau être éprouvantes, elles ont aussi un sens. Lado remplit le cahier des charges voulu par son producteur – du sexe et de la violence – et trouve le moyen d'y affirmer sa sensibilité d'auteur en filigrane. L'un des thèmes préférés de son auteur – les plus riches se nourrissant des plus pauvres – est ici au cœur du récit. Sous couvert d'un simple film d'horreur, Lado cherche à interpeller son spectateur : jusqu'où peuvent aller nos semblables dans une situation aussi extrême ? Au spectateur d'en tirer ses conclusions, la plus effrayante restant peut-être que tous les personnages, à l'exception des deux adolescentes, sont corrompus. À ce titre, la scène au cours de laquelle un passager voyeur se mêle aux atrocités dont sont victimes les deux jeunes filles en dit long sur l'idée que se fait Lado de la nature humaine. Du nihilisme pur...


Mais l'intérêt de Night train murders ne se limite pas à ses idées puisque Lado, en bon styliste, soigne aussi la forme. Il filme les pires immondices, certes, mais il le fait avec style. Le réalisateur de Who saw her die ? fait un vrai film de genre, violent et stylisé (la couleur bleue utilisée comme leitmotiv pour suggérer la claustrophobie). Contrairement à Craven, il s'éloigne de l'aspect documentaire attendu pour soigner ses cadres et styliser des plans (la fenêtre de la maison des parents associée au bruit des rails est un effet troublant). En cadrant au plus près des personnages simplement assis sur une banquette, il parvient à créer une tension permanente qui, passé le premiers tiers de métrage, devient un long cauchemar claustrophobe. À l'aide de lents mouvements de camera magnifiés par le thème malsain de Morricone, Lado cloître son petit monde dans un compartiment étroit (bien rendu par le format carré du 1.66) pour les regarder s'affronter mentalement et physiquement.


Les personnages, hauts en couleur, jouent au chat et à la souris sans que l'on sache bien qui domine qui. Les acteurs se donnent sans compter, tant du côté des victimes (dont Irène-Midnight Express-Miracle) que du côté des bourreaux – deux beaux spécimens dans le genre. Il manque cependant à Flavio Bucci le charisme ravageur d'un David Hess pour rendre son personnage de taré aussi mythique que le Krug de La Dernière Maison sur la gauche. Contre toute attente, c'est le personnage de Macha Meril, tout en cruauté contenue et en érotisme trouble, qui se révèle le plus marquant du film. Ce n'est pas un hasard si Lado termine son récit sur elle. Son personnage est tout simplement le symbole du Mal. Le Mal à visage humain.


Night train murders est donc un arrêt obligatoire pour tout fan de bis et d'exploitation qui se respecte, ne serait-ce que pour subir la chanson titre signée Demis Roussos !

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