Critique : Les Aventures de Rabbi Jacob

La Rédaction | 17 décembre 2004
La Rédaction | 17 décembre 2004

Lorsqu'ils tournent Les Aventures de Rabbi Jacob en 1973, Gérard Oury et Louis de Funès sont au sommet de leurs carrières respectives. L'un et l'autre se connaissent bien et ont réussi coup sur coup deux des plus grands succès commerciaux du cinéma hexagonal : Le Corniaud en 1965 et La Grande Vadrouille en 1966, triomphes populaires sans équivalent (seul Titanic détrônera La Grande Vadrouille et ses 17 millions de spectateurs). Forts de cette entente, ils poursuivent leur collaboration et s'amusent avec une intrigue qui repose sur un imbroglio et des péripéties mouvementées, parlant d'un sujet grave qu'ils tentent de dédramatiser. En filmant la communauté juive qui ouvre ici le film dans les rues de New York, le cinéaste nous plonge tout de suite dans l'ambiance, et l'on découvre le vrai Rabbi Jacob quittant sa terre natale pour se rendre en France célébrer un mariage en grande pompe. Louis de Funès, dès sa première apparition à l'écran, impose son charisme et son débit mitraillette. Acteur élastique au faciès expressif, il se meut dans l'espace et suffit à provoquer l'hilarité par la grâce d'un seul froncement de sourcil ou d'un claquement de doigt. Sa facilité à diversifier son registre de poses atteint une dynamique époustouflante, un tempo inimitable, le génie comique.


Il interprète un Français riche, beauf et raciste, plein de préjugés sur les étrangers, chauvin dans l'âme jusqu'au grotesque, pinailleur et égoïste. La gageure d'Oury est de nous le rendre sympathique à force de compatir pour lui et ses galères, et de faire de son personnage de grande gueule un homme qui finit par toucher notre corde sensible quand il réalise que le bonheur de ses proches compte plus que sa petite personne autosatisfaite. À ses côtés, le rôle de Mohamed Larbi Slimane, joué par Claude Giraud ( le doubleur VF de Tommy Lee Jones), est un personnage moteur car c'est lui qui modère Victor Pivert, canalise son énergie, voire sa violence, de même qu'Henri Guybet, son chauffeur juif, lui fait ouvrir les yeux sur une réalité : sa religion et ses croyances ne l'empêchent pas du tout d'être un employé modèle.


Les séquences d'action et de comédie s'enchaînent et, entre deux dialogues finement ciselés et autres courses-poursuites, Victor Pivert, le faux Rabbi Jacob, prend quand même le temps de danser sur du folklore traditionnel introduit par la désormais légendaire acclamation : « Silence ! Rabbi Jacob y va danser ! » Au rayon des scènes cultes, on ajoutera celle de l'usine de chewing-gum, durant laquelle Pivert plonge la tête la première dans une cuve remplie de la gélatineuse substance vert pomme – éloge de la gestuelle « de funesienne » et de l‘absurde –, ou encore celle de la poursuite en moto dans le métro.


Les Aventures de Rabbi Jacob demeure un film réalisé avec soin, qui ne tente pas de mettre juifs et arabes dos à dos, mais qui traite avec une certaine dérision et ironie des problèmes de l'incompréhension mutuelle, des conflits d'intérêts, de l'antisémitisme, du fanatisme, Pivert étant confronté à une bande d‘assassins. Souvent drôle, il décrit une époque, le début des années soixante-dix, en se voulant avant tout divertissant. Mission accomplie.

Michel Strachinescu

Résumé

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