Critique : Card Player

Jean-Baptiste Herment | 19 novembre 2004
Jean-Baptiste Herment | 19 novembre 2004

Depuis l'accueil désastreux reçu par Trauma, chacun des films de Dario Argento se voit dénigré de façon lapidaire par la plupart des critiques et de ses fans. On le dit fatigué et à court d'inspiration. Le maître du giallo a pourtant essayé de varier les genres, mais à chaque fois ce sont les mêmes reproches qui se font entendre, à savoir un manque de folie et d'imagination. Le pauvre Argento est dans une impasse : on attend tellement de lui, au vu des sommets baroques et gore qu'ont été Suspiria ou Profondo rosso, que chacun de ses nouveaux films est une déception à la mesure de son – immense – talent. Argento essaie tant bien que mal de varier les styles et les genres, parfois pour le meilleur (La Sindrome di Stendhal), mais aussi pour le pire (La Fantasma dell' opera). Si l'on est d'accord pour dire qu'Argento se cherche depuis quelques films, on y trouve toujours quelques furtifs éclairs de génie qui le placent toujours au-dessus de n'importe quel faiseur lambda. Son dernier opus n'échappe pas à la règle.

Tourné dans l'urgence suite à l'annulation de Occhiali neri, le giallo qui devait réunir sa fille Asia et Vincent Gallo, Il Cartaio (The Card Player) témoigne d'un style que son réalisateur souhaite en contradiction avec ses gialli précédents. Argento refuse le gore et les élans baroques qui ont fait sa gloire, chose que beaucoup ne lui pardonnent pas : certains critiques ont justement comparé son film de façon injuste à Derrick et Navarro ! On est en droit de contester ce jugement hâtif tant la lumière de Debie, directeur de la photographie d'Irréversible, est à cent coudées des séries télévisées sus-citées. On est certes loin de Suspiria et de son magnifique Technicolor, mais Argento et Debie cherchent un certain naturalisme composé de tons froids et de contrastes poussés au maximum. Il en ressort une ambiance glaciale et putride qui donne au film sa force formelle. Cette – apparente – sobriété ne va pas faire l'unanimité, mais elle a le mérite d'offrir au film sa – relative – originalité. La faiblesse de son précédent opus, Non ho sonno, était un abus d'autocitations (le travelling du tapis rappelant Ténèbre ou la comptine dans l'esprit de Profondo rosso) qui accentuait son infériorité face aux chefs-d'œuvre du maestro. Ici, Argento explore d'autres territoires et se sert d'une intrigue relativement mieux tenue que d'habitude pour nous offrir quelques scènes d'un sadisme plutôt efficace. Argento se joue du spectateur et choisit de filmer les visages de ses victimes et de ses héros. Des héros interprétés par des acteurs bien plus convaincants que par le passé (impeccable duo Rocca / Cunningham).

Il Cartaio n'est donc ni le meilleur ni le pire Argento. C'est un giallo classique dans ses grandes lignes, mais truffé de détails qui le rendent passionnant au sein d'un genre qu'Argento pousse dans ses retranchements depuis plus de trente ans.

Résumé

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(3.5)

Votre note ?

commentaires
Aucun commentaire.
votre commentaire