Critique : A true mob story

Stéphane Argentin | 5 novembre 2004
Stéphane Argentin | 5 novembre 2004

Le ton de A true mob story (littéralement : « Une véritable histoire de gangsters ») est clairement donné sitôt la scène d'ouverture dramatiquement clôturée : le personnage principal, interprété par Andy Lau, petite frappe de la pègre locale made in Hong Kong, a mis le doigt dans un engrenage dont il est bien difficile (pour ne pas dire impossible) de s'extraire. La première à en faire les frais sera son épouse, tuée dès les premières minutes du film au cours d'un règlement de compte (dans une séquence « blue screen » choc, quoi qu'un peu cheap).


Toute l'histoire est alors basée sur ce double postulat. D'un côté, ce « petit chef » portant à jamais les séquelles de cette perte douloureuse qui lui a ouvert les yeux sur l'univers qu'il côtoie depuis dix ans, et qui depuis cherche à s'en éloigner coûte que coûte. De l'autre, ce quotidien qui lui revient sans cesse en pleine gueule, au sens propre (bastons saignantes) comme au sens figuré (cauchemars récurrents). Pour illustrer le mode operante de ces fameuses triades, le scénariste – producteur – réalisateur Wong Jin choisit la véracité. Ou une description la plus proche possible, compte tenu de ses liens avec le milieu (cf. l'interview qui lui est consacrée dans les suppléments).


Les triades ont la mainmise sur absolument tout. Ce n'est un secret pour personne, et rien ni personne n'a de secret pour eux. Leur seul but : faire de l'argent, contrôler tout (les VCD pirates fabriqués à la chaîne, le trafic de drogue…) et tout le monde. À commencer par leurs membres. Ancien chef de gang respecté et redouté, Wai (Andy Lau) est à présent le sous-fifre doublé du souffre-douleur du Prince, boss de la triade qui lui doit pourtant la vie. Sa seule motivation pour s'en sortir : son fils, à qui il a promis de ne plus retourner en prison. Son seul soutien : sa nouvelle compagne, ancienne prostituée et amie de feue sa femme. Mais les choses vont encore se compliquer bien davantage pour Wai, lorsque son passé de bourlingueur rentre-dedans lui revient en pleine face avec ce Tête de Mort bien décidé à lui faire payer au centuple sa défiguration et la perte de son œil, et qu'un inspecteur « monsieur propre », fiancé de l'avocate de Wai qui en pince elle aussi pour son client, décide de le faire tomber à tout prix.


Un sacré nœud de vipères à démêler en perspective pour Wong Jin, qui n'hésite pas à employer la manière forte, directe et simple pour s'en sortir. Un peu trop par moments, pourrait-on dire (les scènes de tribunal, passablement simplifiées et risibles, à commencer par le retournement final avec la propre avocate de Wai). Mais cette apparente facilité ne cacherait-elle pas en réalité une tentative de dérision, voire d'autodérision ? Véritable nabab hongkongais (près de quatre-vingts mises en scène en vingt ans, et encore davantage de scripts et de productions à son actif), Wong Jing tourne ainsi en ridicule ses propres projets de satisfaction de masse lors de la scène dans l'usine de VCD pirates, avec un gros clin d'œil à Andrew Lau, réalisateur de Young and dangerous (saga mythique sur les triades à Hong Kong), ou encore lors de ce final faussement romantique chanté par Andy Lau en personne.


Ce côté (volontairement ?) simpliste est heureusement contrebalancé par la dramaturgie centrée sur Wai, interprété avec justesse et quelques élans de cabotinages par Andy Lau, superstar du showbiz made in Hong Kong (le versant « légal » de l'argent facile ?). Les motivations du personnage sont par ailleurs suffisamment nobles pour rallier le public à sa cause : éviter à son fils de reproduire son propre schéma paternel, recommencer une nouvelle vie auprès d'une nouvelle compagne. Mais étant donné le ton de A true mob story dès son ouverture, on se doute bien que cet idéal n'est qu'une utopie qui n'aura jamais lieu, malgré les fausses joies que nous réserve l'intrigue.


Inutile donc d'espérer une fin idyllique avec rédemption, casier judiciaire vierge et nouveau départ ; la conclusion est à l'image du reste du film et du milieu des triades qu'il décrit : sèche, brutale, noire et faussement optimiste.

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