Critique : Jean Dominique, the agronomist

Stéphane Argentin | 4 octobre 2004
Stéphane Argentin | 4 octobre 2004

Hasard ou coïncidence du calendrier, alors que les troubles militaro-politiques qui agitent Haïti depuis des décennies refaisaient à nouveau surface au début de l'année 2004, sortait sur les écrans le portrait de Jean Dominique, simple homme du peuple devenu au fil des années la voie d'un peuple. Ce portrait, débuté en 1993 par le réalisateur Jonathan Demme (Le Silence des agneaux, Philadelphia, Un crime dans la tête), alors séduit par cette île, sa population, sa culture et cet homme en exil à New York pour la seconde fois de sa vie à ce moment-là, n'est pas tant celui d'un leader que d'un peuple. Un peuple que ce simple agronome de formation a appris à connaître et à comprendre avec le temps.

Ce rapport à son pays et ses habitants est d'autant mieux souligné que le documentaire cède volontiers la parole aux proches : à la famille, bien entendu, à commencer par Michèle Montas, l'épouse de Jean Dominique et son alliée dans cette lutte, mais aussi aux hommes de la rue et des champs qui le décrivent tous sans exception comme quelqu'un sachant écouter et comprendre les attentes de ce peuple qui, inlassablement, ne cesse de se relever après chaque nouveau coup (d'état) encaissé. Voix unanime pour décrire cet homme qui, juste retour des choses, deviendra la voix de ce peuple en prenant la direction en 1968 de Radio Haïti Inter, la plus vieille station du pays, et en bouleversant les habitudes radiophoniques locales : introduction du créole (langue native d'une majorité d'Haïtiens) et de débats politiques militant en faveur de la démocratie et, inévitablement, sujet à controverses.

Des choix qui ne seront évidemment pas sans répercussions pour la station de radio prise à partie et muselée à plusieurs reprises, ni pour son dirigeant, contraint et forcé à l'exil à deux reprises (1980-86 et 1991-94). Un exil que tentera également la population locale fuyant les confrontations sur de frêles embarcations bondées, chavirantes, mais finalement interceptées par les gardes-côtes et réexpédiées manu militari sur leur terre d'origine, victimes de l'oppression.

Alternant à merveille interviews et images du quotidien, tantôt joyeux, tantôt abattu et tragique de ce pays, The Agronomist nous livre un portrait clair, précis et sans concessions de Haïti et de son porte-parole, Jean Dominique. Un portrait parfaitement compréhensible, y compris sans la moindre connaissance de l'histoire de cet homme et de ce pays, petit par la taille mais grand par la force de son peuple. Mais la plus grande force de The Agronomist n'est pas tant l'histoire d'un seul homme et d'un seul pays que celle du combat universel et intemporel pour la démocratie et la liberté d'expression du peuple, un peuple qui n'hésite pas à faire un retour triomphal à son porte-parole brandissant le poids et le « V » de la victoire. Une victoire sans cesse à reconquérir, même au prix de sa propre vie.

Résumé

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(0.0)

Votre note ?

commentaires
Aucun commentaire.
votre commentaire