Critique : Alias

Alors qu'une série comme 24 est parvenue à se renouveler lors de sa troisième saison, réussissant même à surpasser à bien des égards sa saison précédente en changeant sa manière de concevoir son histoire, son suspense, tout en faisant évoluer ses principaux personnages, Alias marque considérablement le pas. À tel point que l'enthousiasme qui nous avait envahi à la vision des deux premières saisons s'est quelque peu évaporé au fil des épisodes de plus en plus répétitifs et convenus, que J.J. Abrams et son équipe de scénaristes ont concoctés pour cette troisième saison.

Et pourtant, il faut reconnaître que cette dernière partait sous les meilleurs auspices, avec une première partie vraiment passionnante qui s'appuie sur le formidable cliffhanger de la deuxième saison. Que s'est-il passé pour Sidney Bristow durant ces deux années d'absence ? Avec un tel pitch, la jeune espionne, pas vernie par le sort car toujours à la recherche de sa construction intérieure (a-t-on déjà vu une héroïne entretenir des rapports plus complexes avec ses parents ?), voit sa vie totalement détruite. Durant onze épisodes, Sidney est donc à la recherche de son récent passé, et le spectateur avec elle, devenant alors complètement accro au récit, se demandant bien quelle incroyable révélation se cache derrière ce non moins incroyable suspense. Comme, en plus, les auteurs de la série s'amusent à nous la jouer soap opéra avec l'apparition d'un triangle amoureux particulièrement savoureux, et que les épisodes, en termes de narration et de mise en scène, font preuve d'une vraie ingéniosité (mention spéciale à celui qui nous fait revivre les mêmes événements deux fois, mais sous l'angle de protagonistes différents), la mécanique Alias semble parfaitement huilée.

 
Seulement, les dés sont pipés et les failles apparaissent vite. Premier gros, énorme point noir : l'absence, pour cause de contrat mal négocié, de Lena Olin, la mère de Sidney, soit l'un des trois, quatre personnages clés de la série. Même si les scénaristes rusent pour qu'elle soit présente quelque peu dans le récit, rien n'y fait, son absence est quasi insurmontable. D'autant plus que, petit à petit, et surtout lorsque le mystère planant sur la disparition de Sidney est levé, l'impression de déjà-vu commence à envahir considérablement les épisodes. Ainsi, la vilaine organisation du SD6 n'est plus ; qu'à cela ne tienne, voici désormais The Covenant, qui a exactement les mêmes buts et intentions, à savoir mettre la main sur les inventions de Rambaldi. Pire, plus les épisodes s'enchaînent et plus le train-train habituel s'installe de nouveau : Sidney et Vaughn en mission un peu partout dans le monde avec comme méchant à intercepter M. Sark, l'insaisissable Sark, devrait-on dire, tant le bonhomme a une capacité franchement agaçante à s'échapper sans arrêt, et ce en dépit de toute vraisemblance scénaristique. Quant aux différents héros de la série, on constate avec une réelle déception qu'ils n'évoluent guère, quand ils ne disparaissent pas quasi complètement (un pauvre épisode pour Will). Pour compenser cet état de fait, les producteurs font appel à un nombre conséquent de guest stars qui certes pimentent un peu le récit (Richard Shaft Roundtree en ex-baroudeur de la CIA repartant en mission, ça le fait forcément ! Tout comme David Cronenberg, en le savant quelque peu dérangé et accro aux substances illicites), mais ne cachent jamais la faible caractérisation des personnages (exception faite de Sloane).

Quant au final, il reflète finalement parfaitement la réussite artistique mineure de cette troisième saison : si ceux des deux premières nous avaient estomaqués par une capacité à relancer le suspense avec une efficacité redoutable, il n'en est rien ici. À tel point qu'on n'est pas vraiment pressés de suivre les aventures futures de Sidney. Enfin, presque, car l'espionne de la CIA a un sérieux et imparable atout pour elle : son nom, Jennifer Garner !