Critique : Un crime dans la tête

Sorti dans les salles en pleine guerre froide, quelques mois avant l'assassinat de Kennedy, et point de départ d'un nouveau sous-genre, baptisé « politique-fiction », qui fit les beaux jours du cinéma américain des années soixante-dix, Un crime dans la tête est devenu instantanément un classique qu'on ne se lasse pas de redécouvrir.

C'est qu'au-delà de l'intrigue foncièrement crédible et tout simplement palpitante (du genre qui fait froid dans le dos), on trouve la mise en scène pour le coup quasi hypnotique et littéralement époustouflante d'un John Frankenheimer qui n'a jamais semblé aussi à l'aise que dans ce genre d'exercice à la fois complexe et rigoureux, où chaque plan répond à une didactique du suspense très efficace, ainsi qu'à une élévation progressive mais inéluctable de la tension. On n'oubliera pas ainsi de sitôt la mise en abyme des séquences « onirico-hypnotiques » au sein d'un montage tout en finesse et d'une rare intelligence narrative. C'est simple, Un crime dans la tête s'apparente à un long morceau de bravoure de plus de deux heures dont on ressort totalement lessivé.

L'autre réussite du film tient dans la présence quasi animale d'un Sinatra, alors producteur exécutif du film, qui, s'il se fit écrire son rôle sur mesure, renouait de fait avec l'époustouflante performance de L'Homme au bras d'or. On n'oubliera pas non plus d'associer dans le registre une Angela Lansbury (nominée pour l'oscar) qui, en mère matrone machiavélique, s'adjugeait l'un des personnages de méchants le plus abouti du cinéma US.

D'une rare franchise perverse de par le message délivré (les ennemis à la patrie ne sont pas obligatoirement ceux que l'on croit), et d'un courage magistrale de par l'aboutissement de sa démonstration (la parabole évidente sur les effets désastreux du Maccarthysme dans le cinéma américain), Un crime dans la tête est un objet cinématographique hors norme et intemporel, dont le remake réalisé en 2004 ne pourra au mieux que renforcer le statut.