Critique : El Chuncho

Fabien Braule | 31 août 2004
Fabien Braule | 31 août 2004

El Chuncho croise, au détour d'un chemin, les codes du genre auquel il se rattache en premier lieu – le western spaghetti –, tout en s'en écartant avec politesse mais avec une légère maladresse. Si Damiano Damiani, son réalisateur, conserve la forme délibérément sale, violente et poussiéreuse d'un cinéma de genre ayant marqué les années soixante, il oriente davantage son œuvre autour des positions engagées de son scénariste, Franco Solinas. Membre actif du parti communiste italien, ce dernier aura signé de nombreux scénarios, tous témoignant d'une grande envergure politique. De La Bataille d'Alger à État de siège, en passant par l'excellent Colorado de Sergio Sollima, l'homme appose sa signature, grâce notamment aux idées d'extrême-gauche qui y sont véhiculées.

Ainsi, El Chuncho s'écarte du traditionnel Ouest sauvage italien, pour prendre place au-delà de la frontière mexicaine, au début du siècle dernier. En prônant la révolte paysanne face à l'enrichissement et à la bourgeoisie, le cinéaste cible par la même occasion un public à forte majorité populaire, et appose, tel Leone avec Il était une fois la révolution, sa version cinématographique autour de la guerre civile mexicaine.

Si l'opposition entre les deux personnages principaux fonctionne sur la longueur, force est de constater que El Chuncho souffre avant tout d'un manque de dynamisme probant, mettant à mal un scénario original, qui aurait mérité un bien meilleur traitement cinématographique. Il serait fâcheux de minimiser l'intérêt de la mise en scène de Damiani, mais sans doute n'est-elle pas en concordance directe avec son sujet. Si la violence de cette guerre y est parfaitement retranscrite grâce à une absence totale de complaisance, magnifiée par la musique en contrepoint de Luis Bacalov, le réalisateur multiplie sans grande originalité les contre-plongées et les plans américains jusqu'à plus soif. De même qu'il ne profite pas assez du personnage de Santo, interprété par Klaus Kinski, et expédie avec une trop grande facilité l'aboutissement d'une rencontre improbable entre deux hommes issus de milieux sociaux diamétralement opposés.

Pourtant issu d'un genre ultra populaire, El Chuncho se démarque des productions de la même époque par son approche à la fois réaliste et politique. À ce titre, l'une des dernières phrases du film (« N'achète pas de pain ! Achète de la dynamite ! ») marquera les esprits, tant elle résume parfaitement la prise de position politique du scénariste, qui ira jusqu'à donner au film un souffle de propagande sans équivoque.

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