Critique : 3h10 pour Yuma

Laurent Pécha | 9 juillet 2004
Laurent Pécha | 9 juillet 2004

Le western a donné bon nombre de chefs-d'œuvre au cinéma. On ne compte plus les immenses réalisateurs qui ont œuvré dans ce genre si prolifique en films mémorables (Aldrich, Brooks, Ford, Hawks, Mann, Mankiewicz, Walsh,…). Delmer Daves est l'un d'eux. Pourtant, son nom laisse dubitatifs même de nombreux cinéphiles. À leur décharge, l'homme n'a pas signé que des films formidables, ou du moins pas de la même quantité que ses collègues précités. Et surtout, les œuvres les plus réussies de Daves n'ont jamais eu le succès, la notoriété, ou la renommée critique d'un Rio Bravo ou d'un Train sifflera trois fois. La citation du film de Zinnemann n'est pas innocente tant la trame de 3h10 pour Yuma, réussite maîtresse de Delmer Daves, y fait directement penser. Dans ce western intimiste à l'unité de lieu et de temps prodigieusement rendues, on retrouve un héros lancé quelque peu malgré lui dans un combat désespéré car déséquilibré pour faire respecter le bien (sauf qu'ici le shérif est remplacé par un fermier, père de famille tranquille qui, par conviction, va se sublimer pour affronter les situations extraordinaires dans lesquelles il s'est volontairement mais naïvement fourré).

Formidable suspense (Dan Evans réussira-t-il à emmener son prisonnier, Ben Wade, jusqu'au train, sans se faire descendre par un des acolytes de Wade ?), 3h10 pour Yuma est constamment enrichi par le sens du cadre et du rythme de Daves, auquel on peut adjoindre le talent inouï du directeur de la photo, Charles Lawton Jr., capable à la fois de faire ressortir toute la beauté et la dureté de cet Ouest mythique.
Comme tout chef-d'œuvre du genre, le film a cette capacité de transcender son canevas de base, déjà vu mille fois, en mettant en exergue des thèmes forts et des situations mémorables : le duel psychologique que se livre Evans et Wade (formidables Van Heflin et Glenn Ford) dans une minuscule chambre d'hôtel est un joyau de tension et de perversité, la volonté constante chez Daves de rendre le mal séduisant (rarement un méchant de la trempe de Wade n'aura su gagner autant la sympathie des spectateurs), l'exaltation du courage et du civisme qui permet au cinéaste, grand humaniste devant l'éternel, de montrer le cheminement initiatique d'un homme qui s'accomplit dans l'adversité par sa seule volonté et son abnégation, un affrontement final époustouflant de virtuosité narrative où la science de l'espace du cinéaste fait merveille, et, surtout, l'une des plus belles scènes de séduction du cinéma, un moment de pure magie filmé à grand renfort de gros plans esthétiquement sublimes.

3h10 pour Yuma fait donc largement partie de cette poignée de westerns inoubliables qui fascinent à chaque nouvelle vision, leur capacité d'émouvoir et de surprendre étant illimitée.

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