Critique : Les Enragés

Lucile Bellan | 27 mars 2007
Lucile Bellan | 27 mars 2007

Plébiscité et multi-primé en Allemagne (deux prix à la Berlinale, trois Lola Awards), Les Enragés est la photographie du quartier de Neukölln à Berlin et de ses ados, dont le passage à l'âge adulte se fait dans la violence et la misère. Un film de plus pourrait-on dire, qui signe le terrible constat d'échec de ses dernières années en matière d'éducation, avec des parents qui ont déjà baissé les bras et qui laissent toute une génération s'autodétruire par tous les moyens imaginables : drogue, alcool, et violence. En tant que témoignage, Les Enragés offre une vision light de la violence qu'elle met en scène, et même si tous les sujets ou presque sont évoqués (« happy slapping », racket, tabassage, jusqu'au meurtre), la caméra ne montrera aucune complaisance à afficher des gros plans voyeurs ou une surenchère d'artifices pour faire frissonner le spectateur.

On reste ainsi stoïque, distant devant cette fatalité devenue habitude. Mais c'est en fin de compte tout l'enjeu du film, et sa principale réussite. Le chemin de croix du jeune Michael a bien sûr des airs de déjà-vu, mais contrairement à ses prédécesseurs (de Larry Clark à Michael Haneke) qui agissaient comme des électrochocs, le film n'a d'« enragé » que le titre. Il tend à se placer dans un « après » cinématographique, où la violence devient contemplation, sans pour autant perdre de sa force. Si bien qu'on ne peut ressortir de la salle complètement indemne.

Le réalisateur et ses deux scénaristes, qui ont d'ailleurs écrit le roman original, portent ainsi presque un regard de spectateur, à la fois témoin, conscient et impuissant… qu'importe la fin d'ailleurs. Gardant tout de même les codes du cinéma auquel il appartient, le film associe à l'aspect documentaire, naturaliste du fond, des images léchées et une photo « gris urbain » des plus réussie. Un parti pris esthétique étayé par la musique éléctro-rock (dont une chanson finale des Kills) qui rythme les pas de Michael dans la ville. Magnifiquement interprété par le jeune David Kross, ce dernier est le porteur d'un amer message de désespoir, presque banal dans son horreur, d'une jeunesse (allemande) qui reste sans repères.

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