Critique : Un nom pour un autre

Marjolaine Gout | 26 mars 2007
Marjolaine Gout | 26 mars 2007

Hymne au « manteau » de Gogol et à son œuvre, hommage à Meghe Dhaka Tara du cinéaste Ritwik Ghatak, Un Nom pour un autre se distingue en étant à la fois le film de Mira Nair et celui de son auteur, Jhumpa Lahiri. A travers le grain de l'image, respire l'écriture et les influences de cette romancière. Mira Nair distille ainsi une collection d'émotions, glanée au fil du récit, du pathos à la joie. Elle y reprend la trame linéaire et épisodique de la saga de la famille Ganguli. Mira Nair réussit ainsi à placer 25 ans en 2h02 de temps où à travers le clash des cultures et le fossé des générations, elle pose le problème de l'identité des immigrés et de leurs enfants. Sous sa caméra, les us et coutumes, les racines et les traditions forgent l'identité de ses personnages.
Essence de l'humanité, Un Nom pour un autre décline la vision d'un monde où les détails les plus insignifiants prennent du sens et de l'importance. Question sur l'identité, sur son appartenance psychique et physique à une terre, sur l'errance après l'immigration, sur sa construction dans un univers étranger…autant d'interrogations qui trouvent sources et réponses dans le prénom du jeune Gogol (Kal Penn). D'autre part, Mira Nair surprend en illustrant le contraste de deux civilisations par la confrontation et la juxtaposition de deux villes : Calcutta, vibrante, grouillante, bruyante, chaleureuse, et obsédante se démarque de la gravité de New-York, de ses quartiers aphasiques, inertes, cristallisés sous un manteau hivernale. Face à ce capharnaüm coloré et cette beauté chaotique de l'Inde, le quartier du Queens perd de sa superbe sous ses axes et perspectives glaciales absentes de vies. Ainsi, le choc des cultures est reproduit par ce basculement climatique et architectural de ces deux agglomérations.

Si Un Nom pour un autre présente une vie bouleversée par un évènement, l'accident du train d'Ashoke (Irfan Khan), le basculement de la vie d'Ashima, sa femme, jouée par la fascinante Tabu (Virasat, Maqbool) devient le nerf du film. L'actrice irradie l'écran et apporte au film une ampleur lyrique en incarnant un personnage modeste de façon percutante. Un battement de cil, un regard…Tabu subtilise le premier rôle. Immigrante dans un pays inconnu, elle porte en elle une douleur, un sentiment de perte, celle d'un passé perdu au profit d'un quotidien et d'un avenir solitaire et latent.

Malgré quelques dissonances dans ce film virevoltant entre humour et poésie, Mira Nair nous offre un fabuleux voyage à la découverte de la culture Bengali et un essai poignant sur la recherche d'un équilibre identitaire : quête de soi et de sa construction.
Régale esthétique, film divertissant aux thèmes universels où le tragique amène des changements inattendus et où l'humour contamine, Un Nom pour un autre est une magnifique expérience autant culturelle qu'humaine. A ne pas louper pour les enragés et mordus de l'écrivain Jhumpa Lahiri puisqu'en plus de voir son livre prendre mouvement, au détour d'un plan on la croise en mode furtif …en Aunt Jhumpa. Et enfin, pour ceux qui n'ont encore jamais vu de film avec Tabu, précipitez-vous pour découvrir une des actrices indiennes les plus émérites.

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