Critique : Bad times

Patrick Antona | 9 janvier 2007
Patrick Antona | 9 janvier 2007

Avec Bad Times, Christian Bale prouve à nouveau ses aptitudes à être crédible dans la peau de personnages complètement barrés sans verser dans un cabotinage outrancier qui rendrait l'expérience pénible. Véritable tourbillon alternant colère froide et explosion de violence, l'acteur, dans la peau de Jim ex-soldat revenu d'Irak, compose avec Freddy Rodriguez un tandem de loosers représentatifs d'une certaine frange de l'Amérique. Alors qu'ils sont censés chercher du boulot, la relation qui unit le white trash psychotique et le post-adolescent latino les entraîne dans une spirale de méfaits qui va du simple larcin jusqu'aux lisières du crime et où l'alcool et la drogue font bon ménage.

Tournée de manière intense dans les quartiers de South Central de Los Angeles, où la criminalité est une donne quotidienne et où la laideur de cette banlieue évoque plus un purgatoire qu'un lieu de vie, Bad Times donne un visage peu reluisant de la cité des Anges et surtout de la société américaine en général. Face aux deux compères, ce n'est qu'un défilé de policiers corrompus, agents du FBI spécialisés en coups tordus, petits et gros truands mexicains, où les seuls figures salvatrices sont illustrées par Sylvia (Eva Longoria dans un rôle de presque-desperate housewife) et de Marta (excellente Tammy Trull) : la première essayant désespérément de sortir son immature mari des ennuis dans lesquels il se complait, la seconde, fiancée angélique du WASP complètement à l'ouest, qui lui offre son humble demeure mexicaine comme havre de paix.

Portant à l'écran son propre scénario, David Ayter (auteur de Fast & Furious et de S.WA.T. !) a pensé Hard Times comme une sorte de prolongement de son travail le plus abouti, l'oscarisé Training Day. Le personnage de bimbo latina Letty (la gironde Samantha Esteban) est d'ailleurs le trait d'union qui lie ces deux histoires à cinq années de distance. Et pour une première réalisation, Ayter s'en tire avec les honneurs, donnant à son film une esthétique blafarde qui appuie le côté sombre du récit, et réussissant à tenir la balance dans la peinture de ces deux caractères dont les destins vont finir par s'intoxiquer mutuellement, sans verser dans la moralisation trop lourde.

Si l'on peut regretter une dernière partie dramatique trop vite précipitée, et que l'on sent venir de loin, David Ayter arrive à jouer efficacement avec les nerfs du spectateur en demeurant sur le fil du rasoir, alternant quiproquos cocasses et drolatiques avec une peinture âpre de la bêtise et de la violence quotidienne. L'épisode bucolique au Mexique est d'ailleurs une respiration bienvenue dans une histoire où le cynisme est roi, et son atmosphère nostalgique n'est pas sans faire penser à l'univers d'un Sam Peckinpah. Survolté et tétanisant (il semble vouloir battre le record de « fuck » prononcés par Pacino dans Scarface !), Christian Bale réussit l'exploit de rendre humain un personnage perdu et hautement peu recommandable tout en donnant le change à son partenaire, comme tout grand acteur doit savoir le faire.

Bad Times est incontestablement une des bonnes surprises de ce début d'année et donne un instantané inquiétant de l'Amérique moderne.

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