Critique : Le Grand appartement

Erwan Desbois | 23 décembre 2006
Erwan Desbois | 23 décembre 2006

Pour remplir un Grand appartement, il faut :
- une Laetitia Casta mise à nu
- un Mathieu Amalric qui singe – avec brio – Woody Allen
- des grand-mères qui se prénomment Marie-Antoinette et Joséphine
- des chansons folkloriques serbes qui terrorisent les chiens
- une propriétaire mal baisée
- le triple patronage cinéphile des néo-réalistes italiens (pour le fond dramatique), de Vincente Minnelli (pour le rêve et les séquences chantées) et de Jacques Tourneur (pour une scène de rupture joliment empruntée à La flibustière des Antilles)
- un banquier qui prône la formation des couples mariés selon des critères rationnels et fonctionnels
- sans oublier le café tenu par des aveyronnais en bas de l'immeuble.

Tout cela fait beaucoup, mais l'appartement dans lequel Francesca et Martin vivent et logent leurs proches et amis est vraiment grand : 320 m² au cœur de Paris, pour un loyer dérisoire par la grâce d'une loi de 1948 qui visait à favoriser le relogement des familles au sortir de la guerre. Leurs déboires sont tout aussi grands, entre les attaques légales à répétition de la propriétaire qui aimerait bien expulser les locataires pour s'enrichir encore un peu plus, l'infidélité subie mais pas combattue pour autant de Martin et les ambitions artistiques du cinéaste intermittent qui squatte les lieux depuis cinq ans avec tout son matériel (génial Pierre Arditi). Tant mieux pour le spectateur, embarqué dans un joyeux délire qui n'hésite pas à aller s'aventurer sur les terres du nonsense à l'anglaise et de la farce déchaînée à l'italienne.

Le grand appartement fonctionne comme un manège, avec un démarrage un peu laborieux. Les premiers gags et digressions, qui nous prennent à froid, peuvent sembler forcés (comme cet assaut nymphomane en règle que doit affronter Martin de la part de sa maîtresse). C'est cependant le – petit – prix à payer pour profiter de la douce folie et du sentiment de liberté créés par le film une fois celui-ci lancé à pleine vitesse. Porté par des acteurs qui s'amusent comme des fous dans des rôles comme on ne leur en offre jamais, ce manifeste en faveur de la désorganisation et du rejet des diktats en tous genres (d'argent, de look, de comportement, de carrière…) joint de plus l'utile à l'agréable, en ne se départissant jamais d'un fond sérieux et réaliste. Le paradis fragile créé par Francesca et Martin reste et restera en permanence en sursis, nécessitant une défense de tous les instants. Et comment le défendre au mieux ? En chantant, en étant heureux et en n'en faisant qu'à sa tête, pardi !

Résumé

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