Critique : Fragments sur la grâce
Nous sommes dans un cimetière, à l'aube, dans le brouillard. Nous ne savons pas encore si le film est un documentaire classique, une docu fiction ou une fiction documentée. Quelques plans plus tard, nous réaliserons, peut être avec stupeur pour certains, surtout s'ils ne connaissent pas l'uvre de Dieutre, que le film est un documentaire relevant de l'expérimental et du philosophique, de la quête d'un réalisateur et de son équipe qui essaient non de se pencher, mais carrément de plonger, de sombrer dans l'obscur monde de Port Royal et du Jansénisme.
Violente rupture avec le temps, nous assistons à des lectures précieuses, à des entretiens longs, sérieux, à des paysages contrastés, torturés, à des scènes muettes, douloureuses. Vincent Dieutre parvient à nous emprisonner dans une atmosphère étouffante, chargée, très « fragmentée », où il joue, se filme, se hasarde et se perd en terrain connu (du moins de lui). Un film où la tension est palpable et dans laquelle flottent lourdement des personnages hétéroclites appartenant à la sphère artistico intellectuelle française et européenne.
Nous retrouvons un énorme travail d'acteur et de recherche, méticuleuse mais éparse, car le réalisateur n'hésite pas à s'égarer dans des considérations strictement personnelles et délirantes, un droit que se donnent de plus en plus les documentaristes. Le ton est cru, dépouillé, rendant assez curieuse cette manière complètement singulière de traiter un sujet méconnu et sombre, entre le chef d'uvre absolu ou l'acte manqué.
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