Critique : Paprika

Jean-Noël Nicolau | 2 décembre 2006
Jean-Noël Nicolau | 2 décembre 2006

Satoshi Kon l'affirme : avec Paprika, il a voulu élargir son public en proposant une œuvre plus accessible et plus amusante. Pour ce qui est du plaisir immédiat du spectateur, le pari est plus que réussi, le film étant un polar de SF réalisé et monté comme un gigantesque clip, pour ne pas dire « trip ». La symbiose entre la musique très rythmée de Susumu Hirasawa et la mise en scène de Kon, entraîne immédiatement le spectateur dans cette histoire de technologie permettant de visionner et d'intervenir dans les rêves d'autrui. L'auteur ne s'embarrasse pas de longues présentations ou de grandes tergiversations technologiques, et fonce droit devant lui dès les premières séquences de Paprika.

La trame générale, si elle tient fort bien la route avec son enquête nerveuse et ses protagonistes attachants, est avant tout là pour donner une base à un déferlement d'images surréalistes, comme si David Lynch et Tex Avery se percutaient dans une série animée japonaise. Tour à tour drôle et inquiétante, cette invasion du rêve dans la réalité s'épanouit en une infinité de mises en abyme, où l'œuvre cinématographique elle-même joue de ses codes pour mieux balayer ses limites. Déjà en pratique dans Perfect blue, et surtout dans le sublime Millennium actress, ces effets de style sont ici au service d'expérimentations permanentes mais joliment rendues accessibles par le sens narratif de Satoshi Kon.

Certains spectateurs en perdront à coup sûr leur latin, car il ne faut pas chercher à rationaliser ce qui se déroule devant nos yeux, et mieux vaut accepter l'immersion sans retenue. Le réalisateur passe en revue toutes les apparences du masque et du trompe-l'œil, déclinant le vocabulaire du rêve en y ajoutant propos satiriques, références subtilement détournées (les mutations d'Akira, le final de Princesse Mononoke…) et humour irrésistible. Certes, les habitués reconnaîtront de nombreuses scènes déjà présentes dans la série télévisée du réalisateur, l'encore plus fascinant Paranoïa agent. Formidable divertissement hors normes, Paprika bouscule nos habitudes, titille notre inconscient et régale nos sens avec des plaisirs inédits.

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