Le Prestige : critique

Erwan Desbois | 10 novembre 2006 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Erwan Desbois | 10 novembre 2006 - MAJ : 09/03/2021 15:58

À l'aube du vingtième siècle, le duel entre deux magiciens prêts à tout pour surpasser l'autre et l'humilier : avec un sujet aussi insolite, Le Prestige a les traits d'une évasion accordée à Christopher Nolan pour services rendus entre deux Batman. La première partie du film donne raison à cette attente et aspire immédiatement le spectateur dans le récit, en faisant se chevaucher plusieurs flash-blacks et en présentant les personnages par l'intermédiaire de leurs tours de magie.

 

Photo Christian Bale

 

Puis arrive une scène qui change brutalement notre perception de cet univers : l'explication d'un de ces tours, dans lequel l'illusion consiste à masquer au public qu'un sacrifice a réellement lieu. Nolan nous fait ainsi quitter notre siège de spectateur pour nous faire pénétrer dans les coulisses – qui sont loin d'être reluisantes, l'omnipotence des deux rivaux lors de leurs représentations leur faisant perdre tout sens de la mesure. La très bonne idée du scénario est de mettre sur la route des deux hommes la révolution apportée par l'électricité, qui va leur permettre (à leurs risques et périls) de pousser leur duel un cran plus loin. Nolan passe alors habilement le cap de la science-fiction façon Ligue des gentlemen extraordinaires, en ne la traitant ni au rabais ni de manière trop délirante. Le Prestige y gagne en opulence à la fois scénaristique et visuelle.

 

Photo Christian Bale, Hugh Jackman

 

Le film est en effet un magnifique objet de cinéma. Le script, bien que trop bavard par moments, parvient à allier la création d'un univers provoquant fascination et confusion – et auquel la mise en images (lumière, cadrages, décors…) donne superbement vie – et un drame solidement charpenté autour de ses deux personnages principaux. Comme lors de ses films précédents, Nolan tire le meilleur de son casting : Hugh Jackman et Christian Bale sont parfaits de contradictions et de mystères, et la cascade de seconds rôles qui les entourent (on y retrouve même David Bowie !) enrichit le film sans qu'aucun d'entre eux ne tombe dans le cabotinage.

 

photo, Hugh Jackman

 

Enfin, Le Prestige, co-écrit avec son frère Jonathan, représente sans doute le film le plus personnel de son auteur. Le thème de la relation ambiguë et complexe que des frères peuvent partager est omniprésente et sous-tend tout le drame (non, ceci n'est pas un spoiler). De plus, en dévoilant sans fard l'envers du décor de la magie, Nolan parle en filigrane de son propre métier. La dépendance envers l'illusion du public qu'il faut sans cesse combler, les ficelles peu appétissantes qui permettent d'y parvenir, l'obsession de la carrière et de la gloire… ce regard extrêmement lucide et troublant que le réalisateur porte sur lui-même donne au Prestige une dimension supplémentaire, qui achève de rendre le film unique et prenant.

 

Affiche française

Résumé

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(4.4)

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commentaires
Sergent Hartman
30/10/2020 à 09:12

Un des meilleurs films que j'ai vu, dure de trouver quelque chose à dire tellement c'est bien fichu.Une vraie merveille comme il n'y en a pas assez.

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