Critique : Lady Chatterley

Erwan Desbois | 2 novembre 2006
Erwan Desbois | 2 novembre 2006

Adapter le roman d'initiation sentimentalo-érotique écrit dans les années 1920 par D.H. Lawrence, c'est se préparer un chemin semé d'embûches tant cette œuvre a acquis un statut de représentation iconique de l'érotisme kitsch et de l'adultère dépravé. La réalisatrice Pascale Ferran a crânement relevé le défi, en se jetant à corps perdu dans la célébration de ce qui est réellement au cœur du livre : la naissance d'un amour pur, charnel et passionné. Cela donne un film de 2h40, centré la majeure partie du temps sur deux personnages – et dans lequel un protagoniste de plus ou une minute de moins auraient pour conséquence de faire briller avec moins d'éclat la magie du sentiment amoureux.

Lady Chatterley est une déclaration d'amour à l'amour, par le biais d'une déclaration d'amour au cinéma : si l'histoire de la liaison entre la sage lady anglaise et le garde-chasse de son domaine (tous deux incarnés par des acteurs peu connus mais au jeu vibrant et d'une incroyable finesse) nous bouleverse autant, c'est parce que Ferran exploite sans retenue la liberté et les moyens offerts par son art. On peut même se risquer à dire que cette dernière réinvente le film d'amour, quand on voit avec quelle justesse et quelle limpidité elle transmet de manière purement visuelle des émotions variées et impalpables. Celles-ci deviennent par la grâce d'un plan, d'un regard, d'une lumière solaire, aussi évidentes pour nos yeux et tous nos autres sens que pour l'héroïne, pionnière qui les découvre et les invente comme tant d'autres avant et après elle.

Une séquence comme celle où les deux amants nus s'ornent l'un l'autre de fleurs aurait par exemple pu sombrer dans des abîmes de niaiserie ; mais en donnant avant et pendant cette scène du temps précieux à ses personnages, la cinéaste en fait un moment miraculeux, qui touche du doigt l'utopie d'un bonheur absolu et partagé. De même, l'apprentissage du plaisir physique, tenu à distance et ressenti par effraction avant d'être assumé, est filmé avec une délicatesse inouïe, en traitant le sexe comme une partie intégrante et évidente de l'amour. Les célibataires endurcis et les aigris des sentiments auront peut-être l'impression de se faire jeter des pierres à la tête pendant cent-soixante minutes, mais à part eux on ne voit pas qui pourrait ne pas se laisser emporter par l'élan fébrile et intense de Lady Chatterley.

Résumé

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(0.0)

Votre note ?

commentaires
Aucun commentaire.
votre commentaire