Critique : Poltergay

Julien Foussereau | 23 octobre 2006
Julien Foussereau | 23 octobre 2006

Fraîchement dans les murs d'une vieille demeure, un homme « très homme » voit peu à peu sa vie sentimentale et professionnelle se désagréger face aux agissements de fantômes homosexuels… Enoncé de cette façon, le résumé de Poltergay a de quoi en effrayer plus d'un (inutile de préciser le sens à donner au verbe « effrayer ») Déjà que la sérénité du spectateur est malmenée par des comédies hexagonales « généralistes » de par leur cible et foireuses de par leur traitement (pour une petite piqûre de rappel, ça se passe ici). Alors imaginez la maison hantée par des fantômes à voile et à vapeur et l'inquiétude a aussitôt fait de se muer en syncope, bientôt confirmé par les premières images laissant présager un genre de Pédale ectoplasmique… Remballez toutefois vos pacemakers, Poltergay n'est pas issu du sinistre cerveau de Gabriel Aghion : Eric Laveine, qui signe là son premier long-métrage, vient de l'école du rire « made in Canal.» Cela ne rassure pas pour autant, avanceront certains.

Pourtant les influences de Poltergay ont moins à voir avec la famille humoristique d'origine qu'avec les fers de lance de la comédie américaine d'aujourd'hui. Ainsi, le film convoque le ciselage et le mordant des dialogues Guignolesques de la grande époque, un concept aussi original qu'obstiné à la Harold Ramis (le jour sans fin vs la maison des « folles spectrales ») et un attachement humaniste très Farreliens pour ses personnages. Mais en appeler aux champions de l'humour outre-atlantique ne suffit pas : encore faut-il savoir les assimiler et, sur ce point, Eric Laveine se révèle être un challenger doué dans la mesure où il sacrifie presque tout sur l'autel de l'efficacité sans jouer au plus malin en diffusant une bonne leçon de vie revendicative sur l'acceptation de la différence (comme seraient tentés de faire bon nombre de ses confrères.) Poltergay demeure bec et ongles une comédie fantastique. Le quintet lost in 1979, fait de semelles compensées, col de chemise pelle à tarte et froufrous n'évite pas les clichés. D'ailleurs quelques passages tombent à plat comme le ghostbusting au crucifix avec passe portes qui claquent et passes muraille ou cet ersatz douteux de l'émission de relooking Queer…

Ces quelques ratés de fabrication se font néanmoins oublier grâce à un sens du rythme parfaitement maîtrisé où Eric Laveine varie les registres (de la réplique qui fait mouche au situationnisme en passant par le slapstick pur) Il est en cela bien servi par le duo de tête : Clovis Cornillac confirme tout le bien que l'on pense de lui et Julie Depardieu se sort d'un rôle à priori casse-gueule. Les seconds couteaux ne sont pas en reste, côté spectres Jean-Michel Lhammi en homo ne s'assumant pas et Philippe Duquesne en politico-marxiste dessinant des pénis ailés à tout va se taillent la part du lion… Aussi bons qu'ils puissent être, ils ne peuvent rivaliser avec le roi du show, Michel Duchaussoy en exorciste homophobe friand de McDo, assénant des horreurs avec un flegme tout simplement tordant. À lui seul, il fait basculer Poltergay dans une dinguerie assez peu commune… et le fait finir sur la dernière marche du podium des meilleures comédies de chez nous, aux côtés de Quatre étoiles et OSS 117.

Résumé

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