Critique : Les Particules élémentaires

Audrey Zeppegno | 28 août 2006
Audrey Zeppegno | 28 août 2006

Adapter Michel Houellebecq au cinéma, c'est comme poursuivre le quête du Saint- Graal, cela demande un certain cran. Pas mal de prétendants en ont caressé l'idée et beaucoup s'y sont cassé les dents avant même d'avoir pu pondre un scénario digne de ce nom. Sans compter, que les incontournables de cette sommité littéraire veillent méchamment au grain. Alors, quand on s'attaque aux Particules élémentaires, la crème des best-sellers de ce nouveau millénaire, autant s'armer direct d'un gilet pare-balles et d'une dose massive de génie visuel. Allez mettre en image un auteur qui entame son quatorzième chapitre en citant des pensées de cette trempe : « leurs œuvres ne leur permettent pas de revenir à leur Dieu, parce que l'esprit de prostitution est au milieux d'eux. Et parce qu'ils ne connaissent pas l'éternel ». C'est philosophique, ultra pessimiste, truffé de considérations scientifico-humanistes qui peuvent en saouler certains… Mais le plus important, c'est la symbolique qui se trame derrière l'histoire de ces deux demi-frères abandonnés par leur mère, qui finissent par lier une relation forte malgré leur antagonisme congénital. Ce relent de suicide occidental, de profonde mutation de l'espèce humaine qui se devine entre les lignes…

Ce vaste programme, Oskar Roehler n'en explore qu'une moitié. Tout ce qui a trait aux psychés tourmentés de ce tandem d'hommes enfants est assez bien vu. L'intrigue a beau avoir été transposée en Allemagne, ça ne dénature ni le fond ni la forme dépeinte par Houellebecq : Moritz Bleibtreu et Christian Ulmen incarnent de parfaits Bruno et Michael. Les fanas du roman loueront ce casting d'illustres inconnus, du moins chez nous. Les frenchy n'auraient pu trouvé mieux. Idem concernant l'embryon baba cool de leur passé commun. De leurs familles d'accueil respectives à leurs souvenirs d'adolescence, tout s'illustre dans les règles de l'art. La satire y côtoie leur mal-être qui fait tâche en cette période flower-power. Même leurs traumas d'adultes plombés par les névroses sexuelles de leurs parents, visent juste. Mais, dès que Roehler s'aventure sur le terrain porno-trash qui fit son petit scandale parmi l'intellegentsia parisianiste, son film s'embourbe crescendo dans la panade. Le rythme s'alourdit, les clichés gagnent en temps d'exposition, le sentimentalisme flanqué d'une motion « homme-femme mode d'emploi » nous inflige un mauvais coup de rein. C'est comme si tout ce qui faisait l'intérêt du sous-jacent du bouquin passait à la trappe, laminé par des maux d'amour qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez. Un goût d'inachevé, voilà ce que nous laissent ces Particules élémentaires qui donnent l'impression d'avoir manqué l'essentiel.

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