Critique : La Raison du plus faible

Louisa Amara | 19 juillet 2006
Louisa Amara | 19 juillet 2006

Lucas Belvaux n'a pas choisi la facilité en réalisant ce film noir et social. Alors que beaucoup de portes s'ouvraient à lui après le succès de sa superbe trilogie en 2002 : Un Couple, Cavale, et Après la vie, il décide de nous plonger dans un monde ouvrier aussi modeste que gris. Rien de bien glamour donc, mais cet univers devient le théâtre parfait pour un film sombre et militant. Partenaire du réalisateur et producteur Robert Guédiguian chez Agat Films, Lucas Belvaux choisit sa Belgique natale plutôt que Marseille pour développer son histoire, celle de ses grands parents et arrière grands-parents, plusieurs générations de métallos depuis les années 20. Lucas Belvaux connaît bien son sujet et ça se voit.

En prenant pour héros des ouvriers et des chômeurs belges, le réalisateur ne fait pas seulement du cinéma-vérité, il nous expose les tenants et les aboutissants de la situation économique actuelle dans l'industrie en général. Si dure soit-elle cette réalité économique, identique en France d'ailleurs, permet au spectateur lambda de s'identifier complètement aux personnages, loin des strass et des paillettes. C'est pourquoi les personnages et leur envie de s'en sortir nous touchent vraiment. Quand l'idée germe peu à peu dans leur tête de vouloir faire un casse pour récupérer l'argent de l'usine pour laquelle ils ont tout sacrifié, on les comprend et on les soutient dans cette quête désespérée. Le rire vient donc distiller un peu de fraîcheur et de bonne humeur quand ces bras cassés apprentis braqueurs organisent leur coup.

Ne faisant pas de différence entre les acteurs connus, Natacha Régnier, Eric Caravaca, Gilbert Melki et lui-même, et ses compatriotes Claude Semal, Patrick Descamps (tandem touchant et drôle), Lucas Belvaux développe chaque personnage et donne à ses acteurs toute latitude pour exprimer leur talent. Il se réserve bien sûr, un rôle de choix car comme il le déclare lui-même "Je m'écris les rôles qu'on ne me propose pas". Ce film lui donne raison puisqu'il interprète avec justesse et charisme cet anti-héros ex-taulard, qui cherche sincèrement à se réinsérer. Ce personnage qui pourrait être le frère du héros de Cavale permet d'avoir un regard extérieur sur ce petit monde paisible mais à l'agonie financière.
Lucas Belvaux pêche parfois par excès de zèle. Par sa volonté de rester vrai, le film risque l'ennui dans les scènes de vie quotidienne répétées. Malgré ces quelques longueurs et maladresses, le réalisateur saisit là la logique de la tension cinématographique : installer lentement un univers, en montrant une normalité banale quasi ennuyeuse pour mieux surprendre et installer une tension jusqu'à la fin du récit.

Grâce à une musique prenante, de son compositeur fétiche, Ricardo Del Pra, l'ambiance typique des films noirs s'installe et dure jusqu'à la dernière seconde. S'inspirant d'un fait divers connu en Belgique et utilisant au mieux son décor naturel fait de béton, de fumées industrielles et d'acier, Lucas Belvaux réalise là une fiction presque documentaire avec une précision déconcertante. S'achevant sur une note tragique et héroïque, digne des plus grands polars et westerns, le film est conclu sobrement. Etonnant et émouvant

Résumé

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(3.0)

Votre note ?

commentaires
Aucun commentaire.
votre commentaire