Critique : Le Voyage en Arménie

Audrey Zeppegno | 28 juin 2006
Audrey Zeppegno | 28 juin 2006

Une fois n'est pas coutume, la caméra de Robert Guédiguian ne flâne pas dans son antre de prédilection. Des envies d'échappée belle lui ont fait largué les amarres et quitter la rade de Marseille, pour mettre le cap sur d'autres terres à forte valeur sentimentale, nichées au pied du Mont Ararat. Si la légende veut que l'Arche de Noé se soit échouée sur ce paysage lunaire, scarifié par l‘Histoire, l'expédition menée par le réalisateur et toute sa petite troupe relève moins de l‘opération kamikaze que du pèlerinage en terre sainte.

Plutôt qu'un déracinement, ce départ en Arménie se conçoit comme un retour aux origines, une parenthèse nostalgique que ce puriste de l'Estaque tire pour braquer notre attention sur une contrée en manque de considérations, et déterrer le ferment caucasien de son arbre généalogique. D'ailleurs, pour dépaysante qu'elle soit, cette virée ne se déleste pas sur le tarmac des marques de fabrique de son cinéma à la Pagnol. Les acolytes de la famille Guédiguian Gérard Meylan, Jalil Lespert et Jean-Pierre Darroussin sont du voyage, les affres de toute smala qui se respecte mises à l‘honneur, et c'est toujours à fleur de peau et avè l'accent chantant des cigales des calanques, qu'Ariane Ascaride prend à bras le corps ce rôle de fille courage, forcée de quitter mari et enfant pour suivre la piste de son père fugueur.

Au rythme où Guédiguian recharge ses accus pour mieux mettre en scène sa muse et son pays, impossible de perdre ses repères. Nos retrouvailles se font assez récurrentes pour que l'on suive le fil de ses chroniques de la vie ordinaire, complexes et spontanées, en sachant ce qu'on y trouvera et ce que l'on désire y puiser. La délocalisation de son équipée sauvage, c'est la panisse qui agrémente le pastis, l'élan impulsif qui traque les particules élémentaires d'un ailleurs comme nul autre, partagé entre modernité et frugalité, en captant ses qualités et ses défauts, les suppléments d'âme de ses habitants tout autant que les trafics intestins qui s'y trament. Le regard quasi documentaire de son héroïne mutine se ballade des halls d'hôtels à touristes aux villages les plus reculés, en faisant un crochet par les salons de beauté kitsch, les restaus d'hôtes improvisés, les quartiers pauvres, les night-club mafieux, les cabinets médicaux de fortune, etc… Tout y passe au peigne fin, les rencontres faites avec les autochtones et les habitués brillent d'une étincelle de vie toujours aussi belle, poignante et cinglante. Seule ombre au tableau : l'incursion d'un polar pataud qui aurait pu passer à la trappe !

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