Critique : On va s'aimer

La Rédaction | 14 juin 2006
La Rédaction | 14 juin 2006

Pour le film de couples du mois, On va s'aimer, Écran Large vous propose deux avis diamétralement opposés. Un classique pour et contre ? Pas tout à fait car les auteurs des critiques ci-dessous proposent la jolie particularité d'être également un couple dans la vie. Pour la petite histoire, malgré leurs divergences sur le film (mais on vous l'avoue, ce n'est pas la première fois), ils sont toujours ensemble à l'heure d'écrire ces lignes. Honneur d'abord aux dames et à la critique positive. Louisa vs Julien : qui sera le plus convaincant ? On vous laisse juge !

Pour
Le genre du film de trentenaires s'est considérablement développé, à succès ces dernières années en France pour le plus grand plaisir de ses fans, et au grand dam de ses détracteurs. Les succès de Nos enfants chéris, J'me sens pas belle, Clara et moi, ont convaincu les producteurs du potentiel de ce type de comédies françaises. À l'image des films d'Yves Robert, Un éléphant ça trompe énormément, pour ne citer que le plus culte, On va s'aimer essaie de capter l'air du temps, de faire un état des lieux avec humour et émotion, des moeurs d'une génération.

Mais au delà de la satire sociale, c'est véritablement une comédie de mœurs, et non une comédie romantique. Le sujet en lui-même, l'infidélité dans le couple, aurait très facilement pu être tourné en dérision à la manière d'un vaudeville. Mais Ivan Calbérac a su doser comique de situation et véritables sentiments. L'efficacité évidente du film vient de ses acteurs et des dialogues. Un timing et des répliques parfaits qui rappellent Veber. Si Irène fonctionnait bien, On va s'aimer marque véritablement la matûrité de son auteur. Il a su donner une part de fragilité aux personnages les plus forts (et les plus intéressants) du film, interprétés par Alexandra Lamy et Gilles Lellouche. Ce dernier interprétant à merveille l'homme d'aujourd'hui, perdu entre ses désirs, ses illusions, ses modèles et surtout complètement dépassé par les événements. À la fois touchant et drôle, son personnage se révèle bientôt l'un des moteurs du film. De loin le meilleur chanteur des quatre comédiens apprentis chanteurs, Gilles Lellouche dévoile tout son potentiel comique et son charme.

On arrive là à la partie la plus sujette à polémique du film : les chansons et les chorégraphies. Comme les films de Bollywood ne plaisent pas à tout le monde, cette originalité d'On va s'aimer pourra déstabiliser certains spectateurs. Pourtant, un procédé similaire avait été utilisé sans rencontrer la moindre critique dans On connaît la chanson. La différence de taille, parfaitement assumée par l'équipe du film est claire : pas de playback, les acteurs interprètent eux-mêmes les chansons qui correspondent à leur état d'esprit. Comme un commentaire musical de leur parcours, ces chansons, efficaces car très connues et entêtantes, marquent l'intensité des sentiments éprouvés : joie, tristesse, désespoir etc. Les chorégraphies de danse contemporaines exécutées par des danseurs professionnels s'intégrant au décor a de quoi dérouter, mais cela finit par coller à l'ambiance et donner au tout un côté onirique et poétique plutôt plaisant.

L'un des enjeux majeurs du film reste la lâcheté humaine en particulier chez les hommes. Si les femmes peuvent faire preuve d'autant de bassesse, le film ne le montre que très peu, ce qui pourra agacer certains mâles de l'assistance. Mais la justesse des situations, des conversations entre hommes notamment, prouvera, s'il en était besoin, que le réalisateur connaît parfaitement son sujet et sait en tirer tous les ressorts comiques. Il sait surtout montrer la difficulté du couple sans tomber dans le pathos. En rendant hommage à la fameuse partie de tennis d'Un éléphant ça trompe énormément, Ivan Calbérac crée une passerelle entre deux générations d'hommes qui se ressemblent finalement sur bien des points dont le premier : l'incompréhension mais aussi la fascination qu'exerce la gent féminine. Joli succès pour un film qui réussit le pari de divertir, intriguer et toucher. (8/10)

Louisa Amara

Contre
Allez ! Un petit effort ! Viens voir On va s'aimer avec moi, je suis sûre que ce sera sympa… c'est un film pour les couples ! Ce sont avec ces mots que j'ai accepté (non sans traîner les pieds) d'accompagner Louisa. Former un couple est affaire de compromis et le cinéma n'échappe pas à la règle même lorsqu'il s'agit d'une passion partagée des deux côtés.. Toutefois, la perspective de s'infliger la comédie-romantique-de-trentenaires-égarés du mois freine toutes mes ardeurs d'habitué des salles obscures. Il faut dire que cette énième histoire d'un jeune homme trompant sa douce avec la femme de son meilleur ami et surtout le passif de Calbérac (le gentillet Irène sans oublier le scénario du plus que risible Alive, le Star Ac' sur écran géant) ne sont guère engageants. Impossible toutefois de faire marche arrière, il n'y a plus qu'à espérer une bonne surprise…

…Malheureusement le film tient toutes ses « promesses ». Derrière son cinémascope rutilant, On va s'aimer n'est qu'un téléfilm de luxe surgonflé, un jugement confirmé par l'indigence de la mise en scène de Calbérac (cet aspect n'était déjà pas son fort dans Irène) L'ennui est palpable dès les premières minutes avec ces couples volages Boisellier/Doutey et Lellouche/Lamy. Ils sont beaux (et très bobos), intelligents et raffinés (Mélanie Doutey comprend la beauté de la peinture monochromatique), ils exercent des métiers glamours pour plusieurs d'entre eux (seul Gilles Lellouche détonne en instit, ce qui ne l'empêche pas d'habiter une piaule à faire baver un CSP+) mais ils sont désespérément lisses, pour ne pas dire Téfal. Leur environnement est d'ailleurs en parfaite concordance avec leur profil : un Paris estival de carte postale, échappé des colonnes de Biba ou de Marie-Claire… Lorsque l'on a planté un tel décor, le reste suit : un scénario d'une épouvantable banalité qui enfile un paquet de situations boulevardières sans oublier l'épilogue affligeant – mieux vaut se tromper entre amis, cela reste hypocrite mais plus propre. Pourtant, tout cela n'est que de la petite bière par rapport à ce qui suit.

Car le clou du « spectacle » réside dans les digressions musicales. Oui, au beau milieu d'atermoiements sentimentaux captivants (pour elle) ou soporifiques (pour moi), commencent des numéros oniriques où nos protagonistes poussent la chansonnette sur de la grosse « variétoche » française qui tache (Cocciante, Bruel, etc.) accompagnés par des danseurs, tout de noir habillés, en mal de pointes et d'entrechats… Calbérac imaginait certainement créer quelque chose comme un prolongement, un héritage - osons le mot - de Jacques Demy mais cela lorgne davantage vers la caricature de la danse contemporaine par Gad Elmaleh (Arte, c'est la nuit !) ou, pour ceux qui ne comprendraient pas cette référence au génial humoriste, à du Kamel Ouali qui aurait sniffé un rail de Destop canalisations. Comme quoi, avec Alive auparavant et ce pastiche involontaire des danses de la Star Ac' aujourd'hui, on peut difficilement reprocher au cinéaste de ne pas avoir de suite dans les idées. On regrette d'autant plus cette horreur corporelle que les quelques scènes avec Patrick Chesnais en détective privé pince-sans-rire sont savoureuses et que Gilles Lellouche sauve honnêtement ses meubles (certes, c'est le meilleur chanteur mais il n'a pas de mal). Bref, ces quelques grammes d'efficacité ne peuvent pas rivaliser avec cette tornade de mauvais goût... Donc merci Louisa de m'avoir gâché une soirée. Après le temps du compromis, voici celui de la punition : tu regarderas avec moi Kids et Ken Park de Larry Clark d'affilée (je vais t'en donner du rapport homme/femme !). Et débarasse toi de cette compil' années 80, il y en a marre de t'entendre fredonner Je te le dis quand même ! (3/10)

Julien Foussereau

Résumé

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Lecteurs

(2.5)

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