Critique : Les Irréductibles

Erwan Desbois | 12 juin 2006
Erwan Desbois | 12 juin 2006

Proverbe de saison : « En juin, préfère le cinéma des pays lointains ». Et oui, car les distributeurs français ont à cette période de l'année la fâcheuse habitude de se cantonner dans le registre comique – une tendance monomaniaque qui les pousse même à vouloir faire passer pour des comédies des films qui n'en sont pas. C'est le cas des Irréductibles, qui respecte à la lettre les codes du genre sur son affiche (titre en rouge sur fond blanc, acteurs souriants et même le point d'exclamation qui va bien) et dans son synopsis, qui le présente en apparence comme un cousin des Sous-doués.

Mais de comédie, il en est finalement très peu question dans Les Irréductibles. Le générique d'ouverture (Michel – Jacques Gamblin –, le héros, courant jusqu'à en perdre haleine dans la nuit, avec en fond sonore le titre « Fuck U » de Archive) fissure une première fois cette idée, et le renvoi au bout d'une vingtaine de minutes de film de Michel et de son ami Gérard (Kad Merad) du lycée où ils comptaient préparer le bac achève de la mettre à terre. On sait alors que le film ne racontera pas ce retour sur les bancs de l'école ; mais une heure plus tard, on ne sait toujours pas ce qu'il a voulu raconter à la place. Tiraillé entre toutes ses ambitions contradictoires (faire rire, être réaliste, compatir avec le personnage principal, ne pas le montrer que sous son meilleur jour…), le scénario n'en choisit aucune et passe sans cesse d'une piste à l'autre sans rien approfondir.

Une thématique prend tout de même corps au fil du récit. Pour son premier long-métrage, Renaud Bertrand (réalisateur de la série Clara Sheller) semble se rêver en Ken Loach français, avec un film social sur la condition des classes ouvrières et leur lutte au quotidien pour une vie meilleure. Mais là où le récent [url]palmé cannois parvient à créer une empathie dénuée de manichéisme envers ses personnages, Bertrand reste à la surface des choses et bloque les siens dans des stéréotypes stériles. Les seconds rôles jouent les utilités, Kad sert de caution comique – sympa et dans le rôle principal, Jacques Gamblin fournit une interprétation tellement rigide et antipathique qu'elle annihile toute possibilité de s'attacher à son personnage. Les clichés sont aussi de la partie dans la description des obstacles rencontrés par ce dernier, avec une charge balourde contre les organismes et administrations en tous genres : des syndicats à l'éducation, de l'ANPE à la mairie, tous sont pourris, incompétents et inopérants jusqu'à l'outrance. On laisse alors Michel se battre seul contre ses moulins à vent, et la conclusion ouverte du film nous laisse dans l'ignorance quant au regard porté par le metteur en scène sur ce combat : éloge de l'individualisme, ou critique de ses excès ? Il était apparemment plus facile de ne pas choisir…

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