Critique : Les 14 amazones

Patrick Antona | 6 juin 2006
Patrick Antona | 6 juin 2006

Après n'avoir connu de diffusion que dans les salles du XIIIe arrondissement de Paris, voici que nous arrive en sortie nationale, et en version remastérisée, ce qui est considéré comme le film le plus épique de la Shaw Brothers. Datant de 1972, Les 14 Amazones a longtemps drainé derrière lui une réputation de chef d'œuvre méconnu du wu xia pian et de summum de l'action violente made in Hong-Kong comme on n'en fait plus. Avec cette armée composée de mères, d'épouses, de sœurs, le tout sous la commande de la redoutable grand-mère, véritable stratège, qui s'attaque aux barbares qui sèment la terreur sur la frontière chinoise, la Shaw Brothers s'attaquait à la reconstitution historique à gros budget (plus de deux ans de préparation et de tournage) et avec un casting féminin pléthorique. De Ivy Ling Po à Lily Ho (qui interprète un jeune homme !), en passant par Li Ching et Tina Chin Fei, c'est toute la crème des plus belles actrices hongkongaises qui s'est retrouvée devant la caméra de Chen Kang (le père de Tony Ching Siu-tung, qui a travaillé sur le film) et qui assurent avec conviction en tant que femmes vengeresses et combattantes de choc.

S'il faut s'affranchir d'un début un peu laborieux et verbeux, et être un peu indulgent envers une direction artistique qui donne dans le carton-pâte, les scènes d'action qui se succèdent par la suite font dans le barbare et le brutal le plus assumé, donnant le ton d'une œuvre aux péripéties feuilletonesques. Mais plus que dans les batailles rangées ou autres affrontement martiaux, le film de Chen Kang tire son originalité de séquences de cascades spectaculaires, la plus mythique étant celle du « pont humain » qui a elle seule vaut la vision du film, mais aussi d'une scène de sape de barrage avec inondation, rappelant par là que Georges Lucas et Steven Spielberg ont parfois trouvé leur inspiration dans les films asiatiques… La bataille finale est à elle seule un superbe moment de démesure et de bravoure, débutant par une scène-choc de décapitation avec têtes coupées à la chaîne et clouées à coup de flèches et où les fabuleuses amazones feront face aux bourreaux de leurs conjoints dans un déchaînement de fureur libératrice et outrancière comme seuls les studios Shaw Brothers pouvaient en produire.

Relativement peu connu chez nous, les stars asiatiques qui assurent la tête d'affiche des 14 Amazones sont toutes représentatives d'une époque révolue où le cinéma d'arts martiaux et le wu xia pian se conjuguaient presque essentiellement au féminin, et ce bien avant l'avènement de Michelle Yeoh ou de Zhang Ziyi qui ont remis les Dames de l'épée à la mode depuis le succès planétaire de Tigre & Dragon. Face au casting féminin qui tient le haut du pavé, on peut reconnaître Yueh Hua (L'Hirondelle d'or, Intimate confessions of a chinese courtesan) dans celui de l'esclave chinois rebelle, et du côté des méchants, l'inévitable Lo Lieh en prince archer des plus redoutables ainsi que le massif Bolo Yeung, futur adversaire de Jean-Claude VanDamme dans Bloodsport.

Film imposant puisant sa source dans un des faits historiques les plus marquants de la Chine antique (à nouveau illustré par la Shaw Brothers dans Les 8 Diagrammes de Wu-Lang en 1984), Les 14 Amazones, si on ne peut nier son côté kitsch et naïf, n'en revêt pas moins les atours d'une œuvre de classe, à l'esthétique léchée et à l'imagerie luxueuse, la renvoyant par là aux grands classiques du genre, voire du cinéma épique mondial, comme Le Cid ou Les Nibelungen. Et puis dans une époque où l'on voit refleurir un certain machisme, il est de bon ton de célébrer une forme de cinéma qui fait la part belle à ces comédiennes combattantes, démontrant que, même dans le cinéma d'action, la femme est l'égale de l'homme, voire tout simplement son maître !

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