Bubble : Critique

Hoda Kerbage | 10 mai 2006
Hoda Kerbage | 10 mai 2006

À voir les petites têtes décapitées macabres et sarcastiques des poupées qui décorent l'affiche du film et à en lire le titre, on pourrait penser à une multitude de bébés qui viennent à la vie ou qui la quittent. On pourra aussi penser à quelque chose de léger et de moussant ; Bubble gum, bath bubble, water bubble, mais en réalité le nouveau film de Steven Soderbergh est une surprise plutôt eau plate que gazeuse sauf bien entendu la bulle finale. Mais qui dit plate ne veut certes pas dire sans intérêt ni sans goût.

Après les derniers succès qui l'ont fait connaître auprès d'un large public (Erin Brockovich 2000, Traffic 2000, Ocean's eleven 2001, Ocean's twelve 2004), Soderbergh semble revenir vers une forme de cinéma plus personnelle, plus recherchée mais aussi plus expérimentale. Un essai cinématographique si l'on peut se permettre d'emprunter ce terme à la littérature. Essai parce que le film ne se positionne nulle part en particulier, swinguant entre les genres. On ne sait pas vraiment s'il s'agit d'un film expérimental ou d'auteur, d'un drame ou bien d'un film d'horreur. Est-ce un film policier d'un nouveau genre, ou juste une œuvre d'art qui ne sera reconnue que par les générations futures ?

 

 

Ce qui est néanmoins excellent dans Bubble, c'est la dose de provoc et d'humanisme comme seul Soderbergh sait si bien la doser. Pour commencer, il n'a fait appel qu'à des comédiens amateurs n'ayant jamais joué auparavant. Debbie Doebereiner (Martha) est, dans la vraie vie, directrice d'un restaurant Kentucky Fried Chicken, Dustin James Ashley (Kyle) est étudiant en informatique, Decker Moody (l'inspecter Don) est inspecteur de police et Misty Dawn Wilkins (Rose) est styliste. Tous originaires et habitants de la Virginie-Occidentale, ils remplissent le film de bulles de talent, notamment Debbie Doebereiner, personnage inattendu qui se transforme en actrice redoutable sous la direction de Soderbergh et nous fait presque frôler le malaise.

 


Même si souvent il n'y a aucun lien logique qui relie ses films les uns aux autres, Soderbergh reste fidèle à ses thèmes de prédilection : les relations hommes – femme, la solitude, la religion (Soderbergh se définit comme un athéiste hardcore), les vices, sans oublier le sexe qui revêt dans Bubble une latence insoutenable. On n'aimerait pas vivre dans cette ville perdue du Midwest où s'enchaînent les évènements du récit. On n'aimerait pas être à la place des personnages mais ils nous scotchent quand même tant l'impression d'avoir intégré leur quotidien se fait très vite ressentir. On s'y attache, on leur trouve des excuses et on finit par leur pardonner.

 

 

Sorti en salles aux États-Unis quatre jours avant la sortie DVD (provocant la colère noire des distributeurs), Bubble suscitera assurément la controverse. Les amateurs des derniers longs-métrages de Soderbergh risquent fort d'être déçus mais, à y regarder de plus près, le film mérite réflexion et respect et au final la bonne claque qu'il procure peut faire du bien. Il était bien temps que l'on retrouve le Soderbergh de Sexe, mensonges et vidéos.

 

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