Transamerica : critique pas comme les autres

Johan Beyney | 23 avril 2006
Johan Beyney | 23 avril 2006

L'Amérique n'est pas à un paradoxe près et ce Transamerica en est la preuve. Ce film nous rappelle en effet que, pour devenir une grande actrice aux yeux du tout-Hollywood, on ne peut compter que sur le cinéma indépendant ! 

Exit les brushings surgonflés et les sourires étincelants, la grande actrice est celle qui se métamorphose, s'enlaidit, prend des risques, toutes choses impossibles dans le circuit du film commercial hollywoodien. Hilary Swank (Boys don't cry) et Charlize Theron (Monster) ont su en tirer parti et s'offrir ainsi de ces rôles mémorables qui font pleuvoir les récompenses. Avec Transamerica, c'est au tour de Felicity Huffman (la Lynette de Desperate Housewives) de nous montrer ce qu'elle a dans le pantalon. L'expression a beau être triviale, elle n'en est pas moins appropriée. En effet, l'actrice incarne ici un transsexuel en attente de l'opération qui fera de lui (d'elle) une vraie femme.

Bree vivote dans un trou paumé du sud-ouest des Etats-Unis. Alors qu'elle vient d'obtenir l'autorisation nécessaire à son intervention, un coup de fil vient remettre sa fragile existence en question : la femme qu'elle veut devenir découvre qu'elle est papa d'un grand garçon actuellement en prison à New-York. Forcée de faire sa rencontre sous peine de se voir retirer l'agrément de sa psy, la femme va alors s'engager dans un road-movie tendre et émouvant aux côtés de ce fils qu'elle voudrait pouvoir ignorer.

 

 

Le cinéma (et le cinéma américain en particulier) n'aura jamais autant questionné le thème de la paternité que ces dernières années. Transamerica l'aborde ici sous un jour singulier et élargit ainsi la problématique au thème de l'identité familiale. Bree s'apprête en effet à devenir quelqu'un d'autre. Pourra-t-elle alors être le père de cet enfant ? Sera-t-elle encore l'enfant de ses propres parents ? Qui est cette femme que l'homme qu'elle était a créée de toutes pièces ? À cette errance identitaire, Felicity Huffman apporte une fragilité et une subtilité époustouflantes. À travers une performance d'actrice ahurissante de talent, elle remporte haut la main ce challenge que constitue pour une actrice le fait de jouer un homme qui se veut femme. Le maquillage encore incertain sur son visage trop carré, la voix hésitante, la gestuelle « sur-féminisée », tout concourt à donner vie à ce personnage désespéré et terriblement attachant.

 

 

Cependant, et même si ce remarquable travail d'interprétation (Golden Globe de la meilleure actrice et nomination aux Oscars 2006) vaut à lui seul le détour, on ne saurait s'y arrêter. Autrement dit, quid du film dans sa globalité ? Loin de renouveler le genre du road-movie, Transamerica s'en approprie tous les codes : des débuts compliqués à la complicité naissante, des rencontres éphémères au détour d'une route aux longs moments de silence dans des paysages désertiques, tout y est. Si l'on se laisse balader facilement sur ces chemins balisés, c'est avant tout grâce au travail subtil d'écriture des personnages et du scénario, qui navigue finement entre humour, tendresse, drame et cet étrange sentiment de mélancolie propre au genre du road-movie. On pourra toutefois regretter que le personnage du fils soit l'objet d'une surenchère sur le thème « c'est un film indépendant, brisons les tabous » (voir les raisons qui l'ont poussé à fuguer et ses activités new-yorkaises).

Ces quelques bémols étant notés, la partition d'ensemble reste très agréable et l'on s'embarque avec plaisir dans ce voyage aigre-doux qui sait, avec finesse, atteindre sa destination.

 

 

Résumé

Un voyage aigre-doux qui sait, avec finesse, atteindre sa destination.

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