Critique : 16 blocs
16 blocs et autant de bonnes raisons de fuir le dernier Bruce Willis
Depuis mercredi dernier, certains spectateurs suicidaires se gondolent devant Basic instinct 2, la meilleure comédie involontaire de ce début d'année. Pourtant, rire devant ce monstrueux nanar pourrait s'avérer bénéfique tant ce même public aura du mal à ne pas se prendre la tête à deux mains devant 16 blocs, sommet du n'importe quoi, en salles le 5 avril prochain. Explication en 16 points.
1. Depuis 1995, le parcours de Richard Donner s'apparente à celui d'un apnéiste : toujours plus profond dans la médiocrité. On croyait atteindre le fond avec le gratiné Prisonnier du temps, sorte de remake involontaire de Monty Python sacré Graal mais le réalisateur démontre avec 16 blocs que la spéléologie sous-marine sur grand écran n'est plus un fantasme.
2. Richard Donner est né en 1930 ! Et il démontre ici dans les grandes largeurs qu'il devrait avoir une limite d'âge à respecter pour être à la tête d'un thriller d'action. 59 ans par exemple, l'âge du dernier vrai bon film du cinéaste, un certain Arme fatale 2.
3. Pour le montage de 16 blocs, Donner a fait appel à Steve Mirkovich (pourtant assistant sur Les Hommes du président) surtout connu pour s'être récemment occupé de nanars comme Les Ailes de l'enfer ou Mortelle St Valentin. On retrouve dans 16 blocs cette même tendance au surdécoupage. Les plans ont une durée de vie très courte et l'ensemble est un vrai foutoir.
4. Après Sin City, Bruce Willis nous sort le grand jeu avec cette composition de flic poivrot qu'il a abordé de manière très consciencieuse, allant jusqu'à mettre une caillasse dans sa chaussure afin de réellement boiter ou un coussin sous sa chemise pour faire le flic bedonnant. Tant d'efforts pour finalement faire du Bruce Willis imposent le respect. Qu'il vende sa camelote est une chose, qu'il essaie de faire passer Marlon Brando et Robert De Niro pour des rigolos avec son Actor's Studio pour les nuls, en est une autre. Arrête Bruce tu ne trompes personne !
5. Donner essaye en vain de recycler les ingrédients qui ont fait le succès des Arme fatale et cela se voit ou plutôt s'entend beaucoup trop : le solo de guitare acoustique ressemble à s'y méprendre à ceux de L'Arme fatale. Utilisé lorsque Martin Riggs (Mel Gibson) n'allait pas bien, il est aujourd'hui récupéré et employé dans les phases de doute de Jack Mosley (Bruce Willis). Ça sent le réchauffé
6. Jack Mosley tire plutôt bien pour une ceinture noire de la méga cuite. Lâchez le avec un Jack Bauer, sevré de l'héroïne en à peine 12 heures à la Foire du Trône et nul doute qu'ils feraient un malheur au tir à la carabine et amasseraient des pelletés de nounours en peluches rose fuchsia.
7. David Morse demeure, certes, une valeur sûre dans la catégorie des seconds couteaux, mais son rôle de bad guy accro aux chewing-gums dans 16 blocs est à l'image de l'ensemble : mauvais et sans nuances
8. Si les prestations de Chris Rock, Chris Tucker et Martin Lawrence en side-kick blacks bavards vous sortaient par les trous de nez, la diarrhée verbale de Mos Def et son intonation vocale proche de Daffy Duck est, quand à elle, un véritable appel au meurtre ! Rendons justice quand même à la seule cohérence du scénario : il faut être au bord du coma éthylique, comme le personnage de Bruce Willis, pour ne pas ressentir le besoin vital de lui coller un pruneau !
9. Les digressions de Mos Def autour de la pâtisserie peuvent amuser au début, mais répétées une bonne dizaine de fois, risquent de vous dégoûter pour longtemps de ces délices sucrés. Messieurs les pâtissiers, on n'a rien contre vous, mais la pâtisserie n'est pas le sujet le plus fascinant abordé au cinéma !
10. Même quand on le vire, Mos Def revient à la charge ! En témoigne cette scène improbable où Jack, imperturbable, s'empresse de l'accueillir à bras ouverts au lieu d'avoir la seule réaction sensée : le mettre en joue et le sommer de se barrer. On peut parler à ce stade du syndrome de Stockholm.
11. « Nous avons déjà parcouru 10 blocs », clame haut et fort Jack au téléphone. Imaginez un instant que ce soit le titre du film, soit une bonne demi-heure en moins, autant d'incohérences supprimées et surtout beaucoup moins de scènes avec Mos Def
12. Mos Def (encore et toujours lui !) évoque, avec son inimitable accent de Daffy Duck, le caractère génialissime de Yu Gi Oh. Ce simple passage anecdotique fait basculer 16 blocs vers le point de non retour et l'on en vient même à souhaiter que le vilain petit canard soit frappé par la grippe aviaire !
13. Jar Jar Binks s'est réincarné en Mos Def transformant ce dernier en être inutile, bavard et agaçant au possible. Si Richard Donner s'inspire des erreurs de Lucas, où va-t-on ?
14. Si l'affiche de 16 blocs vous rappelle celle d'Otage, ce n'est pas un hasard : même acteur, même distributeur, même production, et même échec aux États-Unis. Quand Bruce Willis arrêtera de produire ses propres films et d'engager des tâcherons, il pourra peut-être relancer sa carrière. Quant à l'affiche, Wesley Snipes, Steven Seagal et Dolph Lundgren pourraient s'en inspirer pour les jaquettes de leurs prochains direct to vidéo !
15. David Morse a beau déclamer dans une scène clé du film avoir tout son temps, il est bien le seul dans l'histoire !
16. Le film aurait très bien pu s'appeler « Ça se bloque » !
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(2.5)