Critique : Burt Munro

Audrey Zeppegno | 21 mars 2006
Audrey Zeppegno | 21 mars 2006

Il y a les biopics qui se contentent d'exhumer des cartons poussiéreux des histoires vraies plus ou moins trépidantes qui ne méritent pas toujours de subir une retranscription ciné. Et puis il y a ceux qui dynamitent leur classicisme formel inhérent, en témoignant d'une énergie folle. Burt Munro compte parmi ces morceaux de bravoure qui vous scotchent à l'écran comme par inadvertance.

Pour peu que vous soyez hermétiques au microcosme de ces motards shootés à l'adrénaline, qui frisent l‘orgasme à chaque fois qu'ils enfourchent leurs turbines infernales, l'identité de l'excentrique Burt Munro ne vous inspirera pas grand chose. L'histoire de ce fou du volant accro à la vitesse a beau avoir franchi le clan des initiés pour circuler dans notre bas monde, le dernier né des Roger Donaldson n'a rien pour attirer le spectateur allergique aux sports mécaniques, si ce n'est la présence plein phare de Sir Anthony Hopkins, qui bichonne fougueusement sa promo au point de hisser ce petit film intimiste, tourné en Nouvelle-Zélande, sur le podium de son inestimable filmo.

Point d'excès de zèle dans cet éloge dithyrambique, car avec ce rôle de sexagénaire mécano qui coule ses paisibles après-midi de retraité, en caressant l'espoir de concourir à la mythique course de Bonneville sur son Indian customisée, le vieux loup de mer des studios Hollywoodiens montre qu'il en a encore sous le capot ! D'un seul coup de rein régénérant, Hopkins démentit l'adage selon lequel la passion s'éroderait avec l'âge, tout en boostant sa carrière qui semblait jusque-là s'embourber dans un ronron létal imparti à ses nombreuses années d‘ancienneté. Le secret de cette énergie du feu de Dieu ? Une bonne dose d‘acharnement, un sérieux pète au casque et l'envie inconsciente de croire en ses rêves de gosses tant que le sablier s'égraine encore… Soit, une trombe de grands sentiments, épicés d'un zest de mantras pêchus qui pourraient trouver un écho dans l'hymne à la Harley Davidson signée par Gainsbourg. Rappelez-vous lorsque Bardot, carénée en diable, chevauchait une deux roues rutilante en chantonnant crânement : « J'appuie sur le starter, et voici que je quitte la terre, j'irai peut-être au paradis, mais dans un train d'enfer ». Et bien, dans Burt Munro, la B.B d'alors est évincée par un insubmersible fou furieux qui propulse sa carlingue brinquebalante au sein d'un univers dominé par les sponsors high tech, en rétorquant à qui veut l'entendre : « que m‘importe de mourir les cheveux dans le vent, je tiens bien moins à la vie qu'a mon terrible engin ? ».

Cerné par un vivier de personnages plus serviables les uns que les autres, le sauvageon se paye le luxe d'envoyer paître tout ce qui a trait au bon sens et à l'instinct plan-plan de conservation. Une rébellion tardive qui fait office de véritable exutoire, en ces temps de morosité ambiante ronflante ! Moralité ? Pourquoi se priver de ces rares instants où la réalité dépasse rageusement la fiction, puisque rien ne vaut les légendes urbaines de cette trempe pour nous regonfler le moral à bloc ? Encore un peu, et l'on se prendrait nous aussi à rêver d'engranger, tambour battant, des kilomètres de plages désertiques, sur des airs de « je n‘ai besoin de personne »…

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