Critique : La Planète blanche

Julien Foussereau | 22 mars 2006
Julien Foussereau | 22 mars 2006

À peine Luc Jacquet a-t-il posé sur sa cheminée l'Oscar remporté pour sa Marche de l'empereur que déboule dans nos salles cette Planète blanche . Les mauvaises langues ne manqueront certainement pas d'ironiser sur un double réchauffement : celui de notre bonne vieille planète mais aussi celui d'un sujet, en passe de créer un sous-genre en soi, le documentaire animalier à très basse température.

Toutefois la bave des crapauds pourrait bien geler avant d'atteindre, non pas la blanche colombe, mais les blancs plantigrades de l'affiche et ce, pour deux raisons. Premièrement, la réalisation d'un tel projet a nécessité trois années de prises de vue, ce qui élimine d'emblée l'hypothèse de l'opportunisme (le triomphe des manchots remonte à janvier 2005). Deuxièmement, le film de Luc Jacquet est loin d'être intouchable, malgré une superbe mise en images, les commentaires ampoulés de Charles Berling, Romane Bohringer et Jules Sitruk alourdissaient constamment le spectacle (à ce titre, on remercie Buena Vista Home Video, éditeur du DVD, pour avoir inclu une piste audio réduisant au silence l'insupportable trio). Là où Luc Jacquet tentait le pari risqué de la modernité dans un genre aussi particulier que balisé par les décennies, Thierry Ragobert et Thierry Piantanida marquent leur attachement à Cousteau ainsi qu'à un certain savoir-faire.

Les deux réalisateurs proposent un regard tendre sur l'ensemble de la faune évoluant dans l'Arctique, tout en ne perdant jamais de vue la devise de leur mentor à bonnet rouge (et au parler anglais culte) : « connaître, aimer, protéger ». Plus précisément, La Planète blanche repose sur une base classique mais d'une redoutable efficacité : images magnifiques navigant entre tendresse, humour, et poésie contemplative ; rigueur du commentaire (sporadique) de Jean-Loup Etienne, amoureux de la banquise, s'il en est ; et la composition musicale d'une pointure du genre, Bruno Coulais. Cette énumération fait aussi figure d'ordre d'importance, de l'essentiel à la cerise sur le gâteau. Parce que Ragobert et Piantanida ont compris l'importance du grand écran, La Planète blanche s'avère être la réaffirmation de la toute puissance de l'image. Ainsi, la mise en place de mini-récits composants de la grande histoire de la vie sauvage (Pierre Arditi, si tu nous lis, on te salue), s'appuient toujours sur celle-ci, le commentaire et la musique ne servant qu'à amplifier une beauté qui se suffirait à elle-même.

Et il faut admettre que les réalisateurs ont collecté un superbe trésor d'images, témoignant d'une bio-diversité que le commun des mortels ne soupçonne pas. Certes, les ours blancs se taillent la part du lion dans le capital sympathie, en superstars qu'ils sont. Mais le film nous offre une occasion unique de découvrir le répugnant phoque à capuchon et sa membrane frontale qu'il gonfle en période de rut, le renard polaire court sur pattes mais au pelage épais, la rarissime baleine boréale, la violence avec laquelle se heurtent les boeufs musqués en plein combat, sans oublier les démangeaisons hilarantes du morse (au postérieur, s'il vous plaît), le guillemot de Brünnich (oiseau aussi à l'aise dans les airs, que sous l'eau) et les espèces luminescentes des abysses dans la séquence la plus poétique du film...

L'équilibre de cette vie dans le milieu le plus extrême de la planète donne à Jean-Loup Etienne l'occasion de rappeler sa fragilité. Un peu tardivement diront certains. Mais, une fois encore, les images précèdent cette intervention par les chutes impressionnantes de pans entiers de banquise et l'ultime plan, terrible, d'un ours blanc incapable de tenir sur une glace qui se rompt perpétuellement sous son poids. Là, l'un des prédateurs les plus dangereux au monde devient vulnérable. Et un sentiment de culpabilité nous envahit aussitôt... Aimer, comprendre, protéger, La Planète blanche remplit les deux premières étapes, à nous de faire le nécessaire pour la dernière...

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