Critique : Frankie

Erwan Desbois | 17 février 2006
Erwan Desbois | 17 février 2006

Le tournage de Frankie, ce fut un peu « La Double Vie de Diane » (Kruger) : pendant trois ans, l'actrice profita en effet des pauses dans son planning chargé de blockbusters hollywoodiens oscillant entre le médiocre (Benjamin Gates et le trésor des templiers) et le passable (Troie) pour venir tourner ce premier film français indépendant et fauché. La curiosité grimpe encore d'un cran lorsque l'on découvre qu'il s'agit du premier véritable personnage dramatique qu'incarne Diane Kruger, loin des rôles de tapisseries qui lui étaient attribués dans les longs-métrages cités plus haut.

La première chose que l'on remarque donc dans Frankie, c'est que Diane Kruger s'en sort plus qu'honorablement. Même si cette performance est facilitée par les similitudes entre le parcours du personnage de Frankie et celui de l'actrice, toutes deux furent top models, la seconde ayant réussi sa reconversion là où la première s'effondre mentalement dès lors qu'elle comprend qu'à 26 ans, elle est trop vieille pour ce métier–. Ce récit fragmentaire d'une déchéance suivie d'une possible renaissance, qui alterne sans logique les scènes du présent de Frankie dans une clinique psychiatrique et celles de son passé de mannequin, présente en effet la plupart des stigmates d'une première œoeuvre. La réalisatrice Fabienne Berthaud ne parvient ainsi jamais vraiment à choisir entre un réalisme quasi documentaire (la plupart des rôles sont joués par des non-professionnels) et un conte formellement très élaboré, direction dans laquelle tirent le travail sur la lumière, le cadrage, le montage (le morcellement de la narration cité plus haut) et une bande-son en forme de collage de chansons pop-folk.

Hésitant, naïf, tantôt redondant tantôt abrupt, Frankie ne convainc donc pas toujours. Mais ces défauts ne sont en réalité que le revers d'une bien belle médaille, car Fabienne Berthaud porte un véritable regard de cinéaste sur ce personnage à fleur de peau et le(s) monde(s) qui l'entoure(nt). Il suffit d'ailleurs que le temps se suspende et qu'une scène – une séance photo qui tourne au cauchemar, un déjeuner à la clinique qui réunit fantômes du passé et voisins du présent – voit sa durée étirée pour qu'un univers tangible et captivant prenne corps sous nos yeux. Le talent combiné des deux femmes fait alors naître en nous une réelle empathie pour la fragile Frankie, empathie qui se diffuse à l'ensemble du film et en fait une œoeuvre en définitive délicate et attachante.

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