Critique : 9m2 pour deux

Johan Beyney | 30 janvier 2006
Johan Beyney | 30 janvier 2006

Ni documentaire ni œuvre de fiction, pas vraiment un docu-fiction pour autant, 9m2 pour deux échappe à toute catégorisation du fait de son processus de création. Le film est en effet le résultat d'un travail mené par des détenus de la prison des Baumettes à Marseille dans le cadre des Ateliers de Formation et d'Expression Audiovisuelle. Dans un studio monté au sein-même du centre pénitentiaire a été reconstituée une cellule identique à celles où vivent les participants. Chez eux sans y être vraiment, ces hommes se mettent en scène et se racontent, partagent leur expérience carcérale entre réel et fiction.

Au cours des différents plans séquences qui composent le film, ce sont dix détenus qui vont interpréter leur propre vie, recréer leur univers dans cet espace confiné où ils sont prisonniers et qu'ils sont contraints de partager. 9m2 pour deux, c'est d'abord une question d'organisation : répartition de l'espace, rangement, nettoyage. 9m2 pour deux, c'est ensuite une question de perception. Pour ne pas étouffer, il faut développer sa capacité à séparer chaque élément du tout : une fenêtre, un lit, un évier, une chaise deviennent chacun, tour à tour, l'objet d'un univers singulier et spécifique. Mais 9m2 pour deux, c'est surtout la gestion d'une cohabitation qui, si elle préserve de l'ennui et de la solitude, peut aussi être à l'origine d'un véritable enfer. Ce sont tous ces aspects de la vie carcérale qui se révèlent au spectateur. Au gré des conversations et des humeurs des filmeurs / filmés, les murs de la cellule s'espacent (conversations sur l'enfance, le passé, les projets, la vie à l'extérieur…) ou se referment (dépression, frustrations, cohabitations ingérables…). Tout nous ramène pourtant à ces 9m2 : sinistre point d'arrivée et, malheureusement, peu probable point de départ, les quatre murs de la prison conditionnent la vie de ses habitants.

Le partage de cette expérience, s'il a sans doute été bénéfique pour ses protagonistes, le sera aussi pour les spectateurs, bien obligés de se projeter eux-mêmes dans la cellule, quitte à éprouver un désagréable sentiment de claustrophobie. Face aux portes fermées, l'écran de cinéma s'avère ici être une belle sortie de secours.

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