Critique : The King

Julien Foussereau | 25 janvier 2006
Julien Foussereau | 25 janvier 2006

Surtout ne pas voir dans The King un quelconque rapport avec le monstre musical mythique au déhanché révolutionnaire même si le personnage principal se prénomme Elvis. Le film de James Marsh délivre une musique aux antipodes des standards rock de That's all right Mama ou Don't Be Cruel, plutôt un blues sombre, moite et trouble comme un marécage en plein mois d'août dont le message lancinant serait « Plus près de toi, mon père… à tout prix ! ». Le père est une figure très présente dans The King, que ce soit avec un P majuscule ou non. De la jeunesse dissolue de David Sandow, il ne reste rien chez cet homme devenu born again Christian, pasteur évangélique de la plus belle eau prêchant la bonne parole à Corpus Christi, Texas. Il est désormais marié à Twyla et père irréprochable de Malerie (jupe écossaise et serre-tête), et Paul (rockeur chrétien chez son père le dimanche, sticker « Jesus loves you » sur son 4x4 et revendications créationnistes au lycée). Enfin presque rien. Le grain de sable s'appelle Elvis Valederez. Fraîchement sorti de trois années dans la Navy et en quête de reconnaissance paternelle, Elvis accoste David à la sortie d'un de ses offices. Ce dernier lui explique qu'il a trouvé Dieu et qu'il ne peut rien faire pour lui. Peu importe, Elvis est tenace et s'il ne rentre pas au domicile Sandow par la grande porte, il entrera par effraction, en prenant au mot le message de pardon évangélique enseigné chez David pour le mettre à l'épreuve… de la pire des façons.

Pour son premier film de fiction, le documentariste James Marsh a souhaité s'adjoindre les services du scénariste Milo Addica à qui l'on doit A l'ombre de la haine et le plutôt gratiné Birth pour mettre en scène un drame gothique et cruel chargé en résonances bibliques et en influences telles que La Nuit du chasseur, Badlands, Psychose et Blue Velvet. L'héritage est bien là : du premier, Marsh reprend la figure du prédicateur fiévreux et le rapprochement d'éléments qui ne devrait jamais avoir lieu tout en réutilisant le jeu des apparences du dernier où l'immonde et l'horreur des pires cauchemars se dissimulent derrière une banlieue pavillonnaire WASP typique de l'American Dream. Mais c'est finalement au Talentueux M. Ripley que l'on pense le plus face au trouble que dégage Elvis. L'interprétation de Gael García Bernal rend justice à la complexité du personnage. Difficile de ne pas éprouver un minimum de sympathie pour ce jeune homme qui, orphelin de mère, recherche sa place dans ce monde. On sait que ce rapprochement secret entre lui et Malerie est moralement discutable (si Elvis a raison quant à sa filiation, Malerie est alors sa demi-soeœur), on ne peut s'empêcher de trouver leur marivaudage touchant près d'un cours d'eau sur fond de soleil couchant et on se prend à espérer qu'Elvis n'est pas le fils de son père…

Jusqu'au retournement à mi-parcours particulièrement brutal où Elvis se transforme en héritier de M. Ripley cherchant davantage une identité quitte à « l'usurper » par le meurtre. Cette seconde partie narrant l'intégration d'Elvis au foyer Sandow reste plus conventionnelle avec sa variation vénéneuse de Théorème et seule l'interprétation sincère de William Hurt retient réellement l'attention grâce à la consistance qu'il apporte à un personnage qui fleurait d'avance la caricature de plouc redneck. Le changement de registre rappelle aussi combien le sud des Etats-Unis peut-être mystérieux et inquiétant. James Marsh rend les endroits les plus reculés du Texas fascinants, voire malfaisants, telle cette mare poisseuse cachée au milieu des derricks et des indigents. Alors, on pourra ergoter sur le fait que le réalisateur britannique se perd un moment en route, entraînant quelques longueurs, que Laura Helena Harring méritait mieux que ce rôle sous-développé et que l'issue a beau être prévisible à des kilomètres, le final, un genre de relecture perverse et nihiliste du fils prodigue, fait froid dans le dos et vous hante longtemps.

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