Critique : Vers le sud

Vanessa Aubert | 25 janvier 2006
Vanessa Aubert | 25 janvier 2006

Haïti. Ses paysages idylliques, ses hôtels touristiques et ses belles américaines qui viennent profiter de leur formule « rêve ».
Attention nous ne sommes pas dans la suite de la bande du Splendid mais dans l'univers de Dany Laferrière sublimé par Laurent Cantet. Vers le Sud est une nouvelle décrivant à l'état brut la dualité de Haïti dont l'écrivain est originaire. Une île offrant le paradis aux oiseaux de passage voulant oublier le quotidien stressant des capitales et laissant de côté le temps des vacances leur étouffante moralité. Ellen est de celle-ci. Sous les traits de Charlotte Rampling, cette femme forte croit s'accaparer le lieu où comme tout client elle est reine le temps du séjour. Mais Brenda (Karen Young) l'est également. Et Sue (Louise Portal). Et d'autres.

Touché par les mots de Laferrière, Laurent Cantet prend conscience de l'ambivalence d'un lieu où les paillettes dissimulent la misère. En adaptant cette histoire, il réussit à aborder un sujet délicat et conserve avec intelligence les monologues de la nouvelle. Ces femmes au statut social respectable mais à la cinquantaine grandissante usent insidieusement de leur pouvoir pour être finalement clientes de Legba. Legba le bel haïtien représente la jeunesse, la beauté et l'insouciance perdues de ces occidentales en mal d'amour. Voilà pourquoi Ellen et Brenda se battent pour ses regards, ses mains et son corps à grand renfort de dîners et vêtements. Laurent Cantet décrit à merveille cette prostitution qui pour elles n'en est pas une et cette relation amoureuse qui pour Legba n'en est pas une. Très bien mis en scène, les monologues apparaissent comme un outil habile permettant de creuser en profondeur l'âme désenchantée de ces femmes. La dureté d'Ellen, la douceur de Brenda et le recul de la canadienne Sue font un portrait éclectique de ces adeptes de la prostitution amoureuse.

Laurent Cantet associe Charlotte Rampling, actrice de renom, à des comédiennes qui le sont moins Karen Young et Louise Portal (Le déclin de l'empire américain et Les invasions barbares). Au delà, il reprend ses habitudes gagnantes dans Ressources humaines et fait tourner des non-professionnels offrant à Ménothy César (Legba) une récompense à la Mostra de Venise. Son personnage semble porter sur ses épaules le poids de Haïti en tentant de survivre dans un univers déroutant par son manque de repères. Le jeune Eddy risque de prendre exemple sur Legba alors que l'œil de l'ancien, Albert le maître d'hôtel, semble désarmé. Trois générations de haïtiens sont sous nos yeux. Et nous de regarder un spectacle mis en image somptueusement mais de participer à une bien triste réalité.

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