Critique : Le Tigre et la neige

George Lima | 16 décembre 2005
George Lima | 16 décembre 2005

Il n'y a pas d'amour ; il n'y a que des preuves d'amour. Voilà qui pourrait résumer le dernier film de Roberto Benigni. Centré sur le désir acharné d'un homme à sauver la femme de sa vie et de ses rêves, Le Tigre et la neige offre au cinéaste italien l'occasion de renouer avec le charme, la fantaisie et la subtilité de La Vie est belle.

Comme dans son film culte, la mise en place est ici assez longuette. À force d'exubérance et de bavardage, les multiples scènes consacrées aux tentatives de séduction de la femme aimée sont en effet quelque peu ratées. Là où l'onirisme et la douce folie des scènes de rêve rendent joliment hommage aux grandes comédies classiques italiennes, les séquences amoureuses ancrées dans la réalité sont parfois lourdaudes et répétitives. Un bémol vite atténué par l'arrivée du déclic dramatique : le départ pour l'Irak. Après la Shoah dans La Vie est belle, le très engagé Roberto Benigni use une fois de plus d'une situation politique marquée par la terreur et la barbarie pour intensifier le propos plus intimiste de son scénario. Bien que la guerre en Irak ne soit pas au centre de la réflexion du cinéaste, elle constitue un atout dramatique majeur pour accentuer la force des sentiments et des actions de l'héroïque Attilio.

Soulevant monts et merveilles pour sauver la femme qu'il aime, le poète affronte un obstacle supplémentaire au coma de sa belle : la misère et la rudesse d'un pays soumis aux tirs et aux bombardements. Malgré ce contexte belliqueux, aucune scène ne montre ostensiblement la guerre ou ses conséquences. Sous-jacente et suggérée, la critique du conflit iraquien, dans lequel l'Italie fut très impliquée, n'en est que plus efficace. Outre une ou deux scènes chargées de symbolisme politique (Reno et Benigni assis sur une statue effondrée d'un dictateur déchu), seul le suicide du poète irakien aborde de front et visiblement les conséquences dramatiques et barbares du conflit. Jean Reno, que l'on n'attendait pas dans un tel univers, est d'ailleurs parfaitement crédible dans ce rôle d'artiste meurtri par les blessures de son pays dont il porte les seuls stigmates présents à l'écran.

Mais, avant d'être un porte-parole engagé, Benigni reste avant tout un clown, un trublion véhiculant sa réflexion via un humour totalement décalé et une constante dédramatisation de l'horreur. Premier film à traiter de la seconde guerre du Golfe de façon humoristique, Le Tigre et la neige restera sans doute pour longtemps dans l'esprit des spectateurs pour une seule et unique scène : celle du check point américain. Bardé de médicaments, de bandages et de matériel chirurgical, Attilio tente de traverser un barrage américain à vélo pour ramener les remèdes nécessaires à sa douce. L'affolement des militaires devant ce qu'ils croient être une bombe humaine donne alors lieu à une des séquences les plus cocasses et les plus benigniennes du film.

Malgré ce penchant pour la comédie politique, Le Tigre et la neige est aussi et surtout un hymne vibrant à l'amour éternel. Des plus romanesques et romantiques, le dénouement du film en laissera plus d'une rêveuse, de même que les vers récités par le poète à l'élue de son cœur pour la réveiller d'un songe prolongé. Auteuristes et cartésiens ne manqueront certes pas de reprocher au réalisateur de jouer sur la corde sensible et de ne pas avoir su se renouveler. Mais n'a-t-on jamais reproché à Hitchcock de n'avoir écrit que des films à suspense ou à Lynch d'avoir fait de l'étrangeté sa marque de fabrique ? Une chose est sûre : après le très décevant Pinocchio, Roberto Benigni signe un film tendre et émouvant dont le public ressortira apaisé et plus amoureux que jamais.

Résumé

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(0.0)

Votre note ?

commentaires
Aucun commentaire.
votre commentaire