La Vérité nue : Critique

Matthieu Perrin | 19 décembre 2005
Matthieu Perrin | 19 décembre 2005

Trois ans après le très controversé Ararat, Atom Egoyan revient en force avec un vrai film noir dans la plus pure tradition de l'âge d'or hollywoodien. 

Chose assez étonnante de la part de l'auteur d'Exotica, il emprunte la route déjà tortueuse de Mulholland drive qu'avait si bien balisée David Lynch : satire du star system et évidemment une scène saphique où la douce Alison Lohman s'envoie aux pays des merveilles avec une Alice pas si innocente que ça (une séquence qui a n'en pas douté, saura émoustillée la gente masculine). Dans cette optique là, impossible de ne pas penser à feu Laura Palmer quand une étudiante blonde est retrouvée morte dans la baignoire de la suite d'hôtel des deux stars. Comme dans Twin Peaks, elle va être au cœur de l'enquête. Cela a peut-être l'odeur et la saveur d'un David Lynch, nous sommes pourtant bien dans un film d'Atom Egoyan au meilleur de sa forme qui adapte un polar rétro de Rupert Holmes pour explorer ses thèmes de prédilection : la vérité sur son passé, la perte de l'enfant, la maladie, le désir…

 

 

Il faut saluer le splendide travail effectué sur la photographie par son éternel collaborateur, le chef opérateur Paul Sarossy qui arrive à retrouver les couleurs cinématographiques des années 50 et 70. Et quelle utilisation du cinémascope sans l'habituelle prétention tape à l'œil. La reconstitution n'est jamais trop académique et pompeuse mais au contraire juste et pleine de peps. Comme souvent chez le cinéaste (remember Exotica), sa capacité à créer une ambiance mêlant drame et sensualité passe par un soin tout particulier apporté à la musique. Le score de Mychael Danna participe ainsi de premier chef à l'envoûtement et on garde longtemps après la projection dans un coin de notre tête le sublime solo de guitare du « Maggot Brain » des Funkadelik. C'est ainsi que La Vérité nue ne souffre finalement pas vraiment de son intrigue en apparence simpliste. Egoyan n'oublie jamais que dans les meilleurs films noirs, la résolution du meurtre sert avant tout de prétexte à créer une atmosphère sulfureuse et à s'attarder sur la psychologie des personnages.

 

 

Non content d'être un divin créateur d'ambiances, le cinéaste canadien s'avère être aussi un formidable directeur d'acteurs. Le duo de crooners formé par Kevin Bacon et Colin Firth fonctionne à merveille sur la scène (formidables numéros de music hall) comme dans les hôtels. Entre orgies, drogues, coup de gueules et chansons pleines de pêche. Kevin Bacon (et son beau petit cul…) prouve une fois de plus qu'il est l'un de plus grands comédiens américains du moment tirant sa force de pouvoir jouer aussi bien la pire crapule que le héros, le premier rôle comme le second rôle. Colin Firth se sort de son image « so british » de l'anglais coincé de Bridget Jones. Quant à Allison Lohman, qui nous avait bluffé par sa fausse jeunesse dans Les Associés de Ridley Scott, Egoyan la dépucelle tout en lui donnant un statut d'icône hollywoodienne. Sensuelle, énigmatique, intelligente, elle est constamment magnifique. Et elle permet surtout au cinéaste de brillamment mettre sur le devant de la scène le rapport qu'il peut exister entre un fan et ses idoles et ainsi écorcher en douceur le beau petit monde d'Hollywood.

 

Résumé

Les inconditionnels d'Egoyan vont sans doute penser qu'Egoyan l'auteur a vendu son âme au star system d'Hollywood. Il n'en est rien. Il fait un film d'auteur comme on l'entendait à Hollywood dans les années 40 avec des stars et des moyens. Reste plus maintenant à espérer que sa captivante et bandante Vérité nue lui ouvre les faveurs d'un plus large public.

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