Critique : Adorable Julia

Johan Beyney | 9 décembre 2005
Johan Beyney | 9 décembre 2005

Tête d'affiche du théâtre londonien des années 30, Julia Lambert a tout : l'amour, la célébrité, la beauté. Aux bras de son mari – directeur de théâtre et réputé « plus bel homme de Londres » –, elle parade dans la haute société auréolée de son talent et de sa grâce. Heureuse donc. C'est en tout cas ce qu'elle laisse voir aux autres et ce qu'elle se laisse voir à elle-même.

Adapté d'un roman de Somerset Maugham déjà porté sur les planches, Adorable Julia traite – sous un vernis de comédie théâtrale – de la représentation. Comédienne, Julia s'est en effet construite sous le regard des autres en jouant un rôle. Déformation professionnelle oblige, elle joue également dans la vie, détournant des répliques tirées des pièces qu'elle a interprétées, ajoutant ici un rire et là une larme. C'est qu'en théâtralisant sa vie et son rapport aux autres, elle lui insuffle une force et une vérité plus belle et plus acceptable et, en tout état de cause, plus proche de ce qu'on l'on est en droit d'attendre d'une actrice : de l'excès, du romanesque. Sans cesse en représentation donc, elle endosse tour à tour les rôles de comédienne, d'épouse, de mère, d'amante avec un talent égal, au point d'être devenue son propre public et de s'être perdue elle-même. À ce moment critique de sa vie, où l'arrivée de la vieillesse et d'une concurrence plus jeune, elle va partir à sa propre recherche, dans les miroirs qui l'entourent et dans les yeux de ceux qui l'accompagnent.

On l'aura compris, à travers l'histoire de cette femme, Istvan Szabo use de son personnage principal et du milieu théâtral comme d'une métaphore de la vie et des rôles que nous endossons au quotidien. Tout en nous mettant en garde de ne pas nous perdre derrière ces masques, il pose à nouveau cette éternelle question : que, de la vie ou de l'art, imite l'autre ? Le réalisateur n'aurait pu imaginer, pour incarner ce symbole de nos travers sociaux, de meilleure interprète qu'Annette Benning, dont la nomination à l'Oscar de la meilleure actrice s'avère amplement méritée. Lumineuse, elle domine avec élégance un casting par ailleurs excellent et apporte à son personnage une énergie incroyable, notamment dans une scène finale exaltante.

Malheureusement, le réalisateur semble se contenter de la prestation - certes réjouissante - de l'actrice et du rythme du texte et se montre peu audacieux en terme de mise en scène. Le film, engoncé dans son costume étriqué de comédie théâtrale très classique, a alors du mal à prendre véritablement son essor, naviguant très sagement entre vaudeville british et comédie de mœurs. Tout en ayant passé un bon moment, on sort de la salle avec dans la tête les images d'une grande actrice, mais pas celles d'un grand film.

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