Critique : Gallipoli (La bataille des Dardanelles)

Ilan Ferry | 6 décembre 2005
Ilan Ferry | 6 décembre 2005

Gallipoli ou l'histoire d'un massacre : ce documentaire, qui a nécessité près de six années de recherches, aborde de manière frontale la bataille des Dardanelles deuxième plus grand débarquement de l'Histoire, page injustement trop méconnue de la première guerre mondiale et oubliée par le cinéma (parmi les très rares exceptions l'exemple le plus célèbre demeure Gallipoli réalisé en 1981 par Peter Weir avec Mel Gibson). Une double injustice que répare Tolga Ornek à travers ce documentaire qu'il filme comme une épopée. Ainsi, le réalisateur entend retracer l'histoire de ces hommes pris dans les tourmentes d'une guerre qu'ils ne comprennent pas. Deux heures durant, le spectateur se verra inculquer une rude leçon d'Histoire, de celles que l'on n'oublie pas.

La force et la faiblesse du film réside dans sa volonté d'être didactique tout en donnant à l'ensemble une forme purement cinématographique, une intention des plus louables et logiques donnant à l'écran un résultat hybride à mi chemin entre le documentaire historique basique, ponctué d'interventions d'experts et d'images d'archives, et le film à grand spectacle. Ainsi, le réalisateur n'hésite pas à rythmer son film de nombreux et parfois incessants effets de style, pour le meilleur (des cartes 3D sur fond sonore, des reconstitutions minutieuses) comme pour le pire (des accélérés donnant l'impression de voir un film de Michael Bay). Comme si Ornek craignait que son sujet ne se suffise pas à lui-même, surchargeant inutilement des images qui pourtant parlent d'elles-mêmes.

Cependant à défaut de fonctionner complètement, la démarche demeure compréhensive : par le biais de multiples reconstitutions et d'un montage impressionnant, le réalisateur veut avant tout immerger le spectateur dans l'intensité de ce sanglant débarquement. Si le pari est réussi, ce n'est pas par l'utilisation d'effets hollywoodiens mais bien par ses personnages. En effet, Gallipoli se démarque des autres grands films de guerre où l'être humain est au centre de la dramaturgie (Il faut sauver le soldat Ryan, Au delà de la gloire, ou encore le récent Jarhead, la liste est longue) par sa faculté à créer une empathie pour des personnages qui ne sont pas incarnés par des acteurs en chair et en os. Ainsi, le film est rythmé par les lettres des soldats à leurs proches tous camps confondus. Littéralement incarnés par les voix suaves de Jeremy Irons et Sam Neill, ces hommes, qu'une guerre absurde a séparé de leurs familles, semblent incroyablement proches de nous distillant ainsi un malaise qui trouvera son poing d'orgue dans une dernière partie poignante, sublimée par la musique de Demir Demirkan.

Malgré une baisse de régime flagrante au cours des deux heures de projection (une durée plus que conséquente pour un doc), Gallipoli parvient à être émouvant lorsqu'il touche à l'intime sans avoir recours à des effets de style inutiles et tient son sujet (l'homme face à la guerre) dans tout ce qu'il a de plus fédérateur, humaniste. On ressort de la salle avec un goût de souffre dans la bouche et la sensation d'avoir assisté à un moment d'Histoire.

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