Critique : Belzec

Magali Cirillo | 21 novembre 2005
Magali Cirillo | 21 novembre 2005

On peut se demander qu'attendre d'un énième documentaire sur un sujet qu'on a l'impression de connaître par cœur. Que reste-il à dire qu'on ne sache déjà sur cette période douloureuse de l'histoire ? On connaît la barbarie, on connaît les morts. On a déjà vu des heures d'images, les trains, les chambres à gaz, les fosses… Et pourtant, Belzec reste un film intéressant à plus d'un titre.

Tout d'abord, dans la forme. Tournées en partie au mois de juin, les images bénéficient d'une photo à la fois très douce et lumineuse. Le village de Belzec, « petit havre de paix niché dans un écrin de verdure », surprend par son calme, choque par la vie tranquille qu'y mènent ses habitants, petits vieux occupés à jardiner et à dorloter leurs petits enfants. Tous répètent la même chose : «On ne pouvait rien faire. On avait trop peur». Sur le site même où se dressait le camp d'extermination, le contraste est encore plus fort. Avant de quitter les lieux, les nazis ont rasé toutes leurs installations et ils ont planté des dizaines d'arbres. Comme si rien ne s'était passé. Une façon, en somme, de tout nier. Et dans un premier temps, on pense qu'ils ont réussi. Les arbres se dressent fièrement, leurs feuilles frémissent sous la brise, le silence n'étant brisé que par le chant des oiseaux…Pendant de longues minutes, Guillaume Moscovitz filme ce paysage bucolique tandis que défilent sur l'écran des dates et des chiffres (600 000 morts !), révélant l'horreur. Mais le pire reste à venir : ironie du sort, le sol de Belzec est sablonneux. Les milliers de cadavres brûlés enterrés un peu partout sur le site refont surface. Des morceaux d'os jonchent le sol, rendant ça et là l'herbe blanche. La scène où le réalisateur accompagné d'un rabbin déboussolé découvre ces restes est saisissante.

L'autre point fort du film est l'histoire de l'enfant cachée. Pendant deux ans, Braha a vécu dans un trou, sans pouvoir se tenir debout, sans sortir, ne respirant que par un petit orifice. Son témoignage, poignant, émouvant, tend parfois vers le poétique. Comme lorsqu'elle raconte sa sortie et qu'elle s'interroge sur « ces drôles de lumières dans le ciel », la petite fille qu'elle était alors ayant oublié l'existence des étoiles. Encore une fois, la beauté de ses propos contraste avec le drame qu'elle a vécu. Avec ce film appliqué et bien documenté malgré quelques longueurs, Guillaume Moscovitz ose faire revivre un passé que certains ont voulu faire oublier. On croyait savoir, on est pourtant encore surpris par les atrocités des uns et le courage des autres.

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