Le Nouveau Monde : critique Pocahontas

Flavien Bellevue | 12 janvier 2006 - MAJ : 16/01/2019 13:52
Flavien Bellevue | 12 janvier 2006 - MAJ : 16/01/2019 13:52

Rares sont les réalisateurs qui suscitent autant d'impatience pour voir leurs œuvres surtout lorsqu'elles se font rares. Terrence Malick fait partie de cette catégorie et son cinquième film, Le Nouveau monde ne manquera pas encore une fois de questionner l'intérêt du spectateur.

Après une carrière commencée il y a trente quatre ans (dans le scénario dans un premier temps puis dans la réalisation), Terrence Malick revient à la réalisation après un silence de huit ans suite au chef-d'œuvre La Ligne rouge. Entre temps, l'auteur réalisateur a produit quelques films et des documentaires – Endurance de Leslie Woodhead et Bud Greenspan (1999), Happy times de Zhang Yimou (2001) et L'Autre rive de David Gordon Green (2004) . Bien que son précédent film ait été un remake, Le Nouveau monde est une (re)visite de l'histoire de John Smith et de Pocahontas. Légende archiconnue des enfants anglo-saxons, l'histoire du nouveau monde a été plusieurs fois portée à l'écran (à la télévision et au ciné) avec, en mémoire d'une des dernières adaptations, le dessin animé Pocahontas des studios Disney.

Autrement dit, Terrence Malick s'aventure ici en terre connue, trop peut-être, pour donner une lecture traditionnelle de ce récit légendaire. Ceux pour qui l'univers du réalisateur est familier ne seront point dépaysés puisque la narration est identique à celle de La Ligne rouge à savoir une utilisation massive de la voix off, des plans sublimes de la nature entourant les personnages, le tout sur fond de musique classique.

 

 

Mais là, où La Ligne rouge avait su allier histoire à personnages multiples et réflexions écologiques avec brio, Le Nouveau monde, lui, s'attache plus sur un rapport homme/femme et la nature pour délaisser l'histoire principale. Puisqu'elle est populaire, Terrence Malick ne trouve aucun intérêt à refaire l'histoire de cette légende et se focalise plus sur la rencontre et l'histoire d'amour d'un européen, John Smith et d'une Amérindienne, Pocahontas ; comment cette dernière sauve les hommes du camp de Jamestown ; son départ et son arrivée dans l'Angleterre du 17e siècle.

Cela paraîtra moins consistant que les précédents films du réalisateur des Moissons du ciel mais il est évident que cette fois-ci, Malick veut à tout prix diriger ses acteurs plus qu'autre chose. La parole n'est pas privilégiée (Colin Farrell dit son premier dialogue 15 minutes après le début du film bien qu'il apparaisse à l'écran dès la cinquième minute) car tout se passe dans les regards et les gestes (il y a un nombre incalculable de gros plans sur les mains) et cela demande d'avoir des acteurs capables de véhiculer des émotions.

Colin Farrell, sans être exceptionnel, se montre bien plus convaincant que dans Alexandre. Le comédien s'en tire à bon compte aussi bien lorsqu'il est chez les Indiens où on le sent possédé par cette nouvelle population et cette culture que lorsqu'il est à Jamestown et doit faire face avec ses hommes, à l'attaque des Indiens dont fait partie le majestueux Wes Studi.

 

 

 Le casting, moins prestigieux que dans La Ligne rouge, permet de retrouver des acteurs talentueux comme Christopher Plummer (prochainement dans Syriana) dans le rôle du capitaine de la première expédition à Jamestown, Christian Bale incarnant John Rolfe, cultivateur de tabac, qui repartira avec Pocahontas en Angleterre, David Thewlis, très sage dans son rôle de capitaine et homme de main de John Smith et Ben Chaplin qui lui fait une apparition. Le tout est complété par des seconds rôles plus ou moins vivants.

Mais la majeure partie du film est portée par une inconnue, la ravissante Q'Orianka Kilcher qui interprète Pocahontas et possède une belle présence à l'écran. Avec Colin Farrell et Christian Bale, elle forme deux couples différents dans les rapports homme/femme et son intégration, graduelle dans la société anglaise, offre au film un second souffle dont il a bien besoin.

 

 

On reprochera certainement à Malick d'avoir trop misé sur l'aspect « nature » qui n'évite pas les plans « carte postale » mais lorsqu'ils sont signés Emmanuel Lubezki (Ali, Sleepy Hollow), on ne peut qu'être émerveillé par tant de richesses visuelles et cela aussi bien dans les paysages (magnifique contraste entre l'Amérique chaude, verdoyante et hivernale avec des tons blancs et bleus sublimes et l'Angleterre grise avec ses jardins aux tons vert foncé) que dans les cadrages (on retiendra les nombreuses contre plongées sur les indiens et leurs entrées de champ ainsi que les nombreux surcadrages et la vivacité des combats).

Apportant depuis toujours un soin tout particulier à la musique de ses films, Malick a choisi pour succéder à Hans Zimmer, James Horner. La composition subtile de ce dernier est magnifique et se marie parfaitement avec celles de Wagner (Das Rheingold) et de Mozart (concerto pour piano n°23), offrant au Nouveau monde une bande originale remarquable.

 

 

Film contemplatif mais jamais lent, Le Nouveau monde apporte une fraîcheur dans le cinéma américain actuel. C'est une œuvre qu'il faut savourer avec le temps et qui demandera certainement de la patience pour en apprécier toute le subtil impact, marque de fabrique d'un auteur rare et talentueux comme il n'en existe que peu dans la contrée de l'oncle Sam. Mais sachez qu'à l'heure où nous écrivons cet article (l'auteur de ces lignes a eu la chance d'assister à une projection lors de la première semaine d'exploitation américaine / NDLR), Terrence Malick remonterait son film pour le raccourcir de 20 voire 30 minutes alors qu'il pense déjà à une version plus longue encore pour la future édition DVD (voir notre news / Test DVD et Blu-ray).

 

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