Critique : Twist

Ilan Ferry | 24 septembre 2005
Ilan Ferry | 24 septembre 2005

Hasard du calendrier ou coup marketing, Twist relecture moderne du roman de Dickens Oliver Twist sort à quelques semaines d'intervalles de l'adaptation signée Roman Polanski. Ainsi, s'il est toujours question de jeunes orphelins se battant pour survivre, Jacob Tierney le réalisateur (dont c'est ici le premier long-métrage) choisit de s'éloigner de la simple transposition en situant son film dans le milieu des prostitués males, une audace scénaristique qui aurait pu donner lieu aux pires excès, mais Tierney n'est pas Larry Clark et laisse de côté toute volonté de provocation pour raconter une histoire et emporter le spectateur dans la tourmente de ses protagonistes. Dès les premières images le ton est donné, Oliver Twist selon Tierney sera un conte cruel de la jeunesse sur la perte de l'innocence.

Premier démarquage important, le point de vue adopté ici n'est plus celui d'Oliver Twist, mais de Dodge, prostitué male qui va entraîner le candide Oliver dans le monde de la prostitution. Ange déchu arpentant les rues froides d'une ville déshumanisée, Dodge est magnifiquement interprété par Nick Stahl dont le jeu oscillant constamment entre fureur et angélisme dissimulé avait déjà fait merveille dans Bully de Larry Clark, et le réalisateur ne pouvait trouver meilleur personnage et interprète pour illustrer son propos. Par opposition, le parcours du naïf Oliver Twist laisse le spectateur plus indifférent, la faute à un personnage rendu volontairement agaçant par sa trop grande candeur et sa passivité face aux événements qu'il affronte. L'autre grande force du film réside dans ses personnages secondaires, Fagin homme répugnant en apparence n'en demeure pas moins touchant dans sa relation empreinte de tendresse et de culpabilité avec les jeunes garçons qu'il met sur le trottoir, c'est dans ses failles et ses contradictions qu'il révèle le mieux son humanité à l'image de tous les autres protagonistes du film. Évitant tout misérabilisme,Twist dépeint la descente aux enfers de deux laissés pour compte de la vie, un parcours traversé de petites joies et de grands malheurs et se clôturant sur un final nihiliste et pessimiste à souhait mais pourtant logique.

Enfin, et c'est peut être en ça que le film demeure le plus captivant , la notion de non vue y est omniprésente. À l'image de Bill, figure menaçante qu'on ne verra jamais, Twist suggère plus qu'il ne montre, un parti pris artistique prenant (bien que sujet à discussion) qui trouve son point d'orgue dans cette insoutenable scène finale entre Dodge et son frère : rien n'est montré mais la tension est là, bien palpable. L'impact de la séquence n'en est que plus fort, montrant ainsi que contrairement à un certain Ken Park, il n'est pas nécessaire de montrer un adolescent se masturbant avec moult détails pour choquer .Cependant, si Twist demeure pertinent sur beaucoup de points, il n'en est pas pour autant exempt de défauts. À commencer par un rythme trop lent ainsi qu'une ressemblance plus qu'évidente avec Macadam Cow-boy donnant ainsi par moments l'impression d'être devant une version « jeune » du fameux film de Schlesinger. Bien que très réussi Twist ne peut supporter la comparaison avec son ainé et cet aspect peut risquer de gêner nombre de cinéphiles.

Loin d'être le film putassier et racoleur que son sujet pouvait laisser sous-entendre, Twist surprend et émeut aux moments les plus inattendus et témoigne de la bonne santé du cinéma canadien.

Résumé

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