Critique : Aux abois

Johan Beyney | 20 septembre 2005
Johan Beyney | 20 septembre 2005

Adaptation d'un roman de Tristan Bernard, le film de Philippe Collin (à qui l'on doit Les derniers jours d'Emmanuel Kant) est un film d'auteur. Un cinéaste, un vrai, de ceux qui réfléchissent chaque plan, pensent la mise en scène, ont une intention. Le réalisateur livre alors un film maîtrisé de bout en bout, et fait le choix de la lenteur, d'un rythme volontairement distendu afin d'installer une situation et un personnage empreints de bizarrerie et d'étrange. C'est par ailleurs cette lenteur (paradoxale au vu du titre, Aux abois, qui suggèrerait un rythme plus trépidant) qui permet à la tension de prendre place. Ici pas de poursuite effrénée, de cavale infernale : c'est davantage l'idée d'être poursuivi et la culpabilité qui font le ressort dramatique du récit. Le choix des années 50 – couleurs vives et décapotables rutilantes – apporte une dimension surannée qui colle par ailleurs parfaitement à l'ambiance.

Tout cela serait donc parfait si c'était vraiment efficace. Malheureusement, à force de mettre des intentions partout, le réalisateur en arrive à intellectualiser l'image et ne parvient pas à s'effacer derrière son œuvre. Une présence tellement appuyée qu'on aurait presque l'impression de le voir et de l'entendre donner ses instructions aux techniciens et acteurs. Une présence à vrai dire un peu encombrante et qui nuit à l'intérêt que l'on peut porter à l'histoire. Mais qu'à cela ne tienne, reste Elie Semoun qui, après de nombreux essais mal transformés sur grand écran, fait son entrée dans le cinéma « sérieux » avec un rôle grave, bien loin des personnages qu'il interprète sur scène ! De ce côté-là aussi, la déception est de mise. Trop occupé à faire l'acteur (prononciation affectée, effets de sourcils et plissements d'yeux…), engoncé dans une mise en scène un peu rigide, le comédien en oublie de s'approprier un personnage dont les affres perdent alors en profondeur. En élève appliqué, il récite sa leçon avec sérieux certes, mais sans faire preuve d'une grande force de conviction. L'acteur étant de tous les plans, on voit ainsi amputée une grande partie de la tension dramatique du film…

Beaucoup de bonne volonté donc dans cette démarche sincère et intelligente, mais malheureusement trop empesée pour être efficace. Pour reprendre la phrase d'accroche du film « C'est curieux. Il y a des moments où j'oublie complètement que j'ai vu ce film ».

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