Critique : Rencontres à Elizabethtown

Vincent Julé | 8 septembre 2005
Vincent Julé | 8 septembre 2005

La dernière rencontre avec Cameron Crowe s'était soldée par un rendez-vous manqué. Son Vanilla Sky, chic et toc, finissait par ressembler à une mauvaise pub capillaire avec Tom « Je le vaux bien » Cruise, sans parler de l'affront fait au film original de Alejandro Amenabar, Ouvre les yeux. Heureusement, à peine un an plus tôt, le réalisateur américain signait, avec Presque célèbre, un grand film sur le passage à l'âge adulte, à la fois universel et emblématique d'une époque. Acteur à part entière de son univers, la musique y tenait ici le rôle principal de par son sujet et une bande originale inspirée, voire habitée. Après cette œuvre quasi-définitive sur la culture et la jeunesse rock, le retour de l'enfant prodige n'était en fait plus vraiment attendu.

En effet, quelle histoire pouvait-il encore (vouloir) raconter ? Peut-être ne le sait-il pas lui-même tant Elizabethtown emmène le spectateur vers des horizons différents et insoupçonnés. Cette richesse deviendrait presque pour le film son propre ennemi. Écriture parfois gauche, choix au final non assumés, sincérité flirtant avec la naïveté. Ce n'est pas nouveau, la volonté de perfection, tant sur le fond que sur la forme, de Cameron Crowe peut lui jouer des tours et en agacer certains. Mais, paradoxalement, ce qui apparaît a priori comme des défauts participent à créer au sein et autour du film un esprit et une imagerie entre le nostalgique et le doux amer. Gentil, beau, chaleureux, honnête, drôle sont avant tout des qualificatifs, bien qu'il soit plus fréquent aujourd'hui de les brocarder. Or, Elizabethtown redonne à ces émotions et ces sentiments, malheureusement galvaudés, un sens, peut-être même leur sens originel.

Contrairement au personnage interprété avec classe et calme par Orlando Bloom, qui voudrait que tout soit noir ou blanc – c'est plus simple -, le film s'efforce, pour nous, de toujours choisir le coloré. Les moyens employés changent (une musique, un plan, un mot), les tentatives échouent (parfois), mais c'est le jeu, c'est le cinéma, c'est la vie. De ce point de vue, le dernier acte, sous la forme d'un road-trip musical, est exemplaire (presque un film dans le film). Le personnage, lumineux et généreux, de Kirsten Dunst se découvre peu à peu, souvenir par souvenir, morceau après morceau (encore une BO référence, compilée avec sa femme Nancy Wilson). Alors qu'on pouvait les croire tout droit sortis de rêves d'adolescent(e)s, ils prennent ainsi corps, non pas en tant qu'êtres de chair et de sang, mais en tant que fruits d'un passé, d'une famille, d'une culture. Leurs actes, aussi extraordinaires soient-ils, deviennent alors plus proches de nous. Et l'optimisme est de nouveau de mise.

Sur le canevas connu du retour aux sources tournant au parcours initiatique, Cameron Crowe signe une œuvre à la fois personnelle et accessible. D'un côté, il rend un hommage direct à son père, et fait son deuil avec originalité et humour (autant dire avec tact). D'un autre, il continue son exploration des relations humaines en général, et homme-femme en particulier, avec son éclairage si spécifique mêlant candeur et pop culture.

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