Critique : Les Protocoles de la rumeur

Réalisateur de documentaires et de longs-métrages très remarqués depuis une vingtaine d'années (Slam, Caméra d'Or à Cannes et Grand Prix du Jury à Sundance en 1998), Marc Levin n'aura pas attendu le feu vert des majors d'Hollywood pour se pencher sur le 11 septembre. Soutenu par HBO avec comme point de départ une rumeur qui émergea au lendemain des attentats accusant les juifs d'être les commanditaires de l'attaque, Marc Levin remonte aux sources d'un best-seller, Les protocoles de sion, qui contiendrait les « commandements » pour que cette communauté prenne un jour le contrôle de la planète. Une approche qui conduira le documentariste à traiter inévitablement d'une haine séculaire à l'encontre des juifs (avec en point d'orgue le génocide de la Seconde Guerre Mondiale) mais aussi, inexorablement, des haines inter-religieuses entre les communautés juives et musulmanes (le conflit israélo-palestinien). Et si les origines juives du réalisateur pouvaient laisser craindre un certain parti, il n'en est rien.

Adoptant une démarche socratique d'une grande neutralité consistant à donner tour à tour la parole au deux communautés et loin des approches sarcastiques d'un Fahrenheit 9/11 ou graphiques d'une Passion du Christ par ailleurs mentionnés dans son documentaire, Marc Levin brosse le portrait de radicaux alimentant ces haines ancestrales à grands coups de discours, de biens culturels – séries TV et reportages (une fillette de 3 ans déjà endoctrinée à grands coups de « Les juifs sont des porcs ») – et autres « produits » à vendre (le dirigeant d'un camp néonazi vendant ses articles aux quatre coins du pays dont certains en rupture de stock !). Un constat d'autant plus édifiant que la voix des modérés (les détenus d'un pénitencier ou encore un ancien déporté !) semble totalement couverte par celles de tous ces fondamentalistes. Et si le documentaire de Levin ne mettra sans doute pas un terme à cette haine aveugle et naïve entretenue depuis bien (trop) longtemps, ses Protocoles de la rumeur ont néanmoins le mérite d'exister et peut-être, qui sait, aideront-t-ils à éveiller davantage de consciences.