Critique : Gorge profonde

Patrick Antona | 20 juillet 2005
Patrick Antona | 20 juillet 2005

Présenté dans une copie issue des tiroirs de la cinémathèque de Paris (défense du patrimoine quand tu nous tiens), Gorge Profonde est désormais ce que l'on peut considérer comme une date du cinéma. Premier véritable film pornographique « légal », distribué dans un réseau de salles conséquent, et usant d'un argument comico-pseudo-scientifique (le clitoris de l'héroïne est situé dans sa gorge) pour agrémenter une intrigue prétexte aux exploits buccaux de Linda Lovelace (Linda Boreman pour son vrai nom), Gorge Profonde a vu son statut de film-culte grossir depuis 1972, date de sa sortie (1975 en France).

Ce succès à rebours est à la fois consécutif au coup de projecteur qui est jeté sur le monde du porno depuis quelques années ainsi qu'à une forme de nostalgie. Cette nostalgie étant sûrement due au fait que, dans les années 70, faire du porno c'était quelque part faire dans le subversif et que l'on traitait de sujets qui n'avaient pas place dans le débat public (l'orgasme féminin, les rapports multiples, le sado-masochisme, la prostitution). Et aussi qu'un film porno devait toujours s'accompagner d'un scénario soit comique, soit plus sérieux (Gerard Damiano excellera dans le genre avec The Devil in Miss Jones et The Story of Joanna) pour pouvoir être exploitable. Maintenant la caméra vidéo a remis tous ces arguments au placard, n'importe qui peut filmer deux heures de gonzo et les ex-starlettes du porno font les bonnes audiences des soirées de TF1 faisant la pub pour leur dernière ligne de lingerie. Certes, les personnes qui ont été amenées à faire du porno dans les années 70 n'étaient pas motivés que par des ambitions artistiques, mais ils étaient auréolés d'une forme d'innocence issu du « flower power » des années 60.

Quant au film, en lui-même, revisité avec intelligence par le documentaire Inside deep throat qui lui est consacré, attendez-vous à voir une comédie, pas trop mal interprétée (Harry Reems y est très drôle) et dont les scènes de sexe, si elles possèdent un côté suranné (les actrices ne sont pas des top-models siliconés et les acteurs encore moins des athlètes bronzés et bodybuildés), sont devenues en quelque sorte les exercices que tout bon film pornographique se doit de respecter : à savoir fellation (inutile d'y revenir), cunilingus, coït, sodomie et triolisme, le tout agrémenté du tenace fantasme de l'infirmière.

À figurer dans toute bonne DVDthèque, entre Macadam cowboy et Salo ou les 120 journées de Sodome de Pasolini.

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