Critique : Seule la mort peut m'arrêter

Erwan Desbois | 28 juin 2005
Erwan Desbois | 28 juin 2005

En marge des blockbusters américains et des comédies ensoleillées françaises, l'été voit aussi l'éclosion de toute une série de « sorties techniques » : des films restés dans les cartons des distributeurs, faute d'une qualité suffisante ou d'un public cible clairement défini, et qui profitent des mois de juillet – août pour occuper le temps d'une semaine ou deux quelques salles obscures et climatisées. Malgré tout le bien que l'on pouvait espérer de Seule la mort peut m'arrêter, film au casting prestigieux et au sujet alléchant (Will, un ancien truand retiré des affaires, revient dans sa ville natale pour venger la mort de son frère – soit un pitch identique à celui de La loi du milieu, film culte du même réalisateur Mike Hodges), on ne peut au final que constater que le distributeur ne sacrifie pas grand-chose en envoyant ainsi le film au casse-pipe.

Le début est pourtant accrocheur, porté par la performance du prometteur Jonathan Rhys-Meyers (que l'on retrouvera bientôt en haut de l'affiche dans le nouveau Woody Allen, Match point) dans le rôle de Davey, le petit frère de Will. Séduisant et impénétrable, il a déjà la classe des grands et aimante la caméra pendant toute la première partie du récit, qui nous mène jusqu'à son suicide causé par une expérience traumatisante. Toute vie semble d'ailleurs quitter le film en même temps que son personnage, tant la suite manque dramatiquement de verve. Hodges se prend en effet les pieds dans le tapis en confondant la nonchalance et l'ambiance nocturne des films noirs de la grande époque avec l'ennui et l'endormissement du spectateur.

La première erreur commise par le réalisateur et son scénariste est de dissocier les raisons du retour à Londres de Will et celles du danger qu'il court dans cette ville, l'agresseur de son frère n'étant en rien lié à l'ex-rival de Will qui domine à présent la mafia londonienne. Dès lors, les différents groupes de protagonistes se multiplient (on arrive sans forcer au nombre – impressionnant pour un film d'une heure et demie – de sept de ces groupes) et vivent leurs histoires pour la plupart en parallèle, ce qui aboutit à un récit beaucoup trop éclaté et à des personnages sans consistance. L'exemple le plus désolant est celui de Charlotte Rampling, dont le rôle (l'ex-amante de Will) est tellement sous-exploité qu'elle pourrait tout aussi bien être une soeur, une simple amie ou même une voisine tant leur relation ne produit aucune étincelle, aucun trouble.

Dans le rôle principal, Clive Owen éprouve les mêmes difficultés à donner une quelconque épaisseur à Will. Le passé trouble de celui-ci n'est évoqué qu'à une seule reprise (lorsqu'il dit avoir « gâché sa vie »), le reste du scénario le plaçant dans un rôle exagérément passif et fantomatique en préférant s'attarder sur les détails scabreux de l'agression subie par Davey plutôt que sur ses conséquences. L'enquête et la vengeance de Will sont alors réduites au strict minimum, et elles nous mènent si vite à la conclusion de Seule la mort peut m'arrêter que tout ce que l'on ressent en sortant de la salle est la frustration d'avoir assisté à un non-film, qui passe complètement à côté de son sujet et de ses personnages.

Résumé

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(0.0)

Votre note ?

commentaires
Aucun commentaire.
votre commentaire