Critique : Swades

Patrick Antona | 23 juin 2005
Patrick Antona | 23 juin 2005

Dernière réalisation de Ashutosh Gowariker, Swades, à l'instar de son premier succès mondial Lagaan, est le récit d'une lutte dont l'enjeu primordial se déroule dans un village pittoresque de l'Inde. Que ce soit le désir d'indépendance face à l'occupant anglais dans Lagaan, ou ici la volonté de s'affranchir du poids des castes et du sous-développement, c'est autour d'un personnage charismatique, interprété en l'occurrence par l'excellent Shah Rukh Khan que va se cristalliser toutes les énergies et la volonté de faire bouger les choses.

Dans son rôle de NRI (Non Returning Indians) émigré aux USA et travaillant pour la NASA, retournant en Inde pour récupérer sa nourrice et découvrant la vie de villageois aux mœurs ancestrales, Shah Rukh Khan se révèle touchant et sobre (bien loin du moulin à paroles qu'il était dans New York Masala). Si fort logiquement, Gowariker exploite le côté séducteur de son acteur principal, il sait aussi et surtout lui permettre de faire passer l'émotion de manière assez subtile. En usant du divertissement (la séance de cinéma) et de l'implication collective (la construction du barrage), le comédien arrive ainsi à nous faire croire à son personnage de « révolutionnaire » pacifique, qui va bouleverser l'ordre érigé par les castes, tout en restant respectueux de la mère Patrie (Mother India).

En réunissant un casting de seconds rôles attachants, avec en premier lieu Daya Shankar Pandey (déjà vu dans Lagaan) en postier amateur de catch et Daya Shankar Pandey, qui cherche à associer Shah Rukh Khan à ses projets de commerce en Amérique, Ashutosh Gowariker parvient à transcender le côté « side-kicks » comiques de leurs apparitions pour en faire finalement de véritables révélateurs sur la vie de son pays. Comme un film indien ne saurait exister vraiment sans une histoire d'amour contrariée, l'enjeu sentimental est ici incarné par Gayatri Joshi (dans son premier rôle de cinéma) en institutrice appliquée et profondément attachée à sa terre, et beauté digne d'une déesse comme seul le cinéma Indien peut en engendrer. Si l'actrice n'arrive pas à exprimer la sensualité de manière aussi convaincante qu'une Aishwarya Rai ou une Rani Mukherjee, limitée il est vrai par un rôle plus en retenue et en sévérité, loin des canons habituels de la bombe pétulante de Bollywood, le couple tout en nuance qu'elle compose avec Shah Rukh Khan reste un des moteurs essentiels de l'intrigue. Ce qui nous vaut quelques bons moments de comédie sans lourdeur aucune, à l'image de la scène de demande de mariage.

Tout comme les quelques coups de canif qui sont adressés à une société où existent encore la pauvreté et l'illettrisme, ne sont en rien handicapant pour suivre avec intérêt l'odyssée intime d'un homme en prise avec les réalités d'un monde qu'il ne connaissait plus. Peut être manque-t-il quelques numéros dansés bien enlevés (les morceaux musicaux, excellents au demeurant, sont quand même présents) et un manque de surprises au niveau du scénario pour que Swades réussisse à emporter l'adhésion à 100 %. À ce titre, on aurait échangé sans aucune hésitation une séquence de danse visuellement aussi époustouflante que celles de Lagaan contre la profusion de scènes tournées au sein de la NASA qui n'apportent rien à l'intrigue et qui font grandement penser à une forme de publicité maquillée.

Par son style direct ainsi que son thème assez atypique, à savoir plus une description du rôle néfaste des castes que l'exaltation du patriotisme, Swades est le digne représentant d'un cinéma indien en perpétuelle évolution. Le tout servi à merveille par le jeu de son acteur principal, qui lui a valu en passant l'Award du Meilleur Acteur en 2004, faisant furieusement penser à ces icônes du cinéma militant de la Russie communiste, mais avec la pointe d'humour et d'émotion en plus.

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